« Trouver l’équilibre entre l’IA et le jugement humain »

Publié le 15 mars 2024
Temps de lecture estimé : 4 min

Docteur en informatique et maître de conférences, Adrian-Gabriel Chifu s’intéresse notamment au « machine learning » dans ses travaux de recherche. Il nous explique les opportunités que représente l’IA dans le processus de recrutement ainsi que les potentiels dérives auxquelles il faut prêter attention.

Pouvez-vous définir l’intelligence artificielle générative ?


Adrian-Gabriel Chifu : L’intelligence artificielle générative représente une branche de l’IA qui se concentre sur la création de contenus nouveaux. Elle utilise des algorithmes d’apprentissage profond, c’est-à-dire une architecture plus complexe qu’un réseau de neurones classique. L’objectif est de produire des résultats qui ne sont pas explicitement programmés. L’IA générative s’appuie sur l’expérience, à l’aide de données d’entrées pour générer de nouvelles données qui suivent les mêmes caractéristiques. On peut créer des images, des sons et des textes qui semblent réalistes pour les humains. Par exemple, une IA entraînée sur un millier d’images de pomme pourra créer une image de pomme qui n’a jamais existé auparavant.

Quelles opportunités l’IA générative offre-t-elle aux professionnels du recrutement ?


A. -G. C. : On peut par exemple créer des profils de candidats fondés sur des données historiques ou des employés performants. Cela permet au recruteur de mieux cibler sa recherche. Il est aussi possible d’utiliser l’analyse prédictive, basée sur l’expérience, les soft skills et les compétences des candidats  afin de prédire leur performance future. L’IA peut également aider à automatiser le processus de recrutement pour diverses tâches telles que la rédaction et la publication d’offres d’emploi, le filtrage des CV, la création de trames pour les entretiens initiaux, etc.

Quelles limites voyez-vous à l’usage de l’IA dans le recrutement ?


A. -G. C. : Je tiens à souligner que nous ne pouvons pas faire entièrement confiance à une machine. Au bout du compte, l’IA ne fait qu’estimer une probabilité et sa puissance repose sur le nombre d’entraînements qu’elle a eu. Il est aussi important de noter que les modèles ne comprennent pas le texte qu’ils génèrent. De plus, ChatGPT a tendance à toujours aller dans votre sens et il a l’air crédible ! Mais il faut prendre du recul.

D’autre part, les systèmes sont entraînés sur des données qui peuvent être biaisées. Si les données d’entraînement reflètent une préférence pour certaines caractéristiques, cela peut conduire à une discrimination involontaire. L’IA manque de transparence sur les décisions prises ce qui peut être problématique. Si on ne comprend pas pourquoi le système a pris une décision, nous devrions nous montrer réticent quant à l’usage de ce résultat. Finalement, l’IA ne remplacera pas totalement le contact humain : l’évaluation des compétences sociales, la culture d’entreprise et d’autres aspects subjectifs nécessitent une intervention humaine.

Le recrutement nécessite la collecte de nombreuses données personnelles, desquelles il est crucial de garantir la confidentialité et la sécurité, surtout quand on utilise des produits publics tel que ChatGPT.

Quels conseils donneriez-vous aux recruteurs pour utiliser au mieux l’IA dans leur métier ?


A. -G. C. : Il s’agit d’un outil comme un autre et je pense qu’il s’agit d’une vague sur laquelle nous devrions surfer. Cependant, comprendre les bases, les capacités et les limites de l’IA permettrait aux recruteurs de mieux utiliser la technologie et d’éviter de tomber dans la surconfiance du résultat. Les technologies évoluant très vite, les professionnels devraient aussi se former continuellement pour rester à jour sur les dernières avancées. Ensuite, à mon avis, il faut trouver l’équilibre entre l’IA et le jugement humain. Même s’il s’agit d’un outil puissant, il ne remplacera pas l’Homme ! D’autre part, l’usage de l’IA soulève également des questions éthiques (confidentialité et discriminations) : les recruteurs doivent s’assurer que l’IA respecte les droits et la dignité des candidats. En découle également la responsabilité des données. Finalement, je pense que collaborer avec des experts de l’IA (informaticiens, mathématiciens, data scientists…) permet de mieux comprendre la technologie.

Propos recueillis par Amélie DI BELLA (Tribune Verte 3034)

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