Santé et sécurité au travail : Prévenir les risques professionnels, un effort permanent
Les accidents au travail et les maladies professionnelles concernent tous les salariés en entreprise. Au-delà des supports traditionnels de sensibilisation, une politique de prévention peut faire appel à des mises en situation, à l’e-learning, voire à la réalité virtuelle.
Accident de la route, chute de hauteur, risque électrique ou chimique, manipulation de machines dangereuses, troubles musculosquelettiques (TMS), risques psychosociaux… Les accidents au travail et les maladies professionnelles concernent tous les salariés en entreprise. Même si le nombre de sinistres est en baisse, il est de la responsabilité de l’employeur d’appeler à la vigilance et de mener une politique active de prévention des risques.
Connaissant mal l’entreprise et ses process, les nouveaux arrivants et les intérimaires sont, de facto, les plus exposés à ces risques. Pour Hervé Baudelocque, médecin coordinateur du service santé au travail chez Efficience Santé au Travail, des actions de sensibilisation doivent s’adresser spécifiquement à ces populations. « Le premier rendez-vous d’une recrue devrait être consacré à la santé au travail. » Il s’agit de lui enseigner le respect des procédures de sécurité et les consignes en matière de tenue de protection (vêtements, gants, baudrier, chaussures de sécurité, lunettes…). Pour autant, cette sensibilisation ne doit pas se limiter à la période d’intégration, au risque que les consignes soient oubliées au bout de quelques mois. « La culture du risque et de la santé au travail doit imprégner toute l’entreprise, au plus haut niveau de la hiérarchie, poursuit Hervé Baudelocque. Les dirigeants doivent être convaincus que la prévention des risques professionnels est une vertu cardinale et pas seulement une contrainte réglementaire. »
Dans l’esprit de la norme ISO 9001, Hervé Baudelocque préconise d’impliquer les collaborateurs dans l’élaboration des règles de sécurité. « L’opérationnel est expert dans son domaine. Si la consigne est trop compliquée à appliquer au quotidien, elle ne sera pas respectée. » Avec son dispositif TutoPrév’, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) propose une collection de planches, interactives ou téléchargeables, reposant sur « la chasse aux risques ». « Le collaborateur réfléchit avec son tuteur sur les situations de risques potentiels liés à son poste de travail puis découvre les mesures de prévention associées », explique Gérard Moutche, responsable du département formation de l’INRS.
La sédentarité, « un enjeu sociétal majeur »
Au-delà des supports de communication traditionnels, de type brochures, affiches ou vidéos, l’INRS propose une formation en ligne gratuite de 8 heures reprenant les fondamentaux de la prévention des risques. Efficience Santé au Travail dispose également d’un catalogue de 70 cours en e-learning sur le port de charge ou le travail à l’écran. Le service de santé inter-entreprises innove sur des formats plus engageants comme un escape game sur la qualité du sommeil ou un dispositif de réalité virtuelle pour apprendre les gestes qui sauvent. Enfin, n’oublions pas les salariés sédentaires qui peuvent, à tort, se sentir moins exposés aux risques professionnels que les travailleurs dits de « la première ligne ». « La sédentarité est pourtant aussi nocive sur le plan cardiovasculaire que le tabagisme, rappelle Hervé Baudelocque. C’est un enjeu sociétal majeur. » L’expert estime que le développement du télétravail, avec ses journées à rallonge et ses déjeuners sur le pouce, ne fait qu’accroître ce risque. Il crée, par ailleurs, une porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Avec cette hyperconnexion, « le repos psychique ne se fait plus ». Un terreau favorable au stress et aux risques psychosociaux.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3041)
Étude : Les accidents du travail et les maladies professionnelles en baisse
Bonne nouvelle ! Alors que la crise sanitaire avait artificiellement fait baisser le nombre de sinistres en 2020 et 2021, on pouvait s’attendre ensuite à retrouver des niveaux équivalents à 2019. Il n’en est rien. Selon le dernier rapport annuel de l’Assurance maladie, publié en janvier, le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles en 2022 est en baisse respectivement de 6,7 % et de 6,4 % par rapport à 2021. Les accidents de trajet restent, eux, stables (+ 0,2 %). Les accidents du travail surviennent majoritairement au sein des activités de la santé, du nettoyage et du travail temporaire (29 %), de l’alimentation (17 %), du transport (15 %) et du BTP (14 %). En ce qui concerne les maladies professionnelles reconnues, les troubles musculosquelettiques représentent toujours la grande majorité des sinistres, mais celles relevant de maladies psychiques sont en augmentation régulière.
Avis d’expert : « La formation soit se poursuivre tout au long de la vie »
Gérard Moutche, responsable du département formation de l’INRS.
Pourquoi faut-il axer la politique de prévention sur les jeunes et les recrues ?
Gérard Moutche : Les jeunes sont plus exposés aux risques professionnels et aux accidents du travail que leurs aînés. L’indice de fréquence des salariés de moins de vingt ans est environ le double de celui de l’ensemble des salariés. Quand une recrue arrive dans une entreprise, elle ne connaît pas l’environnement de travail ou le matériel sur lequel elle va évoluer, elle manque d’expérience. Un nouvel arrivant est donc mécaniquement plus exposé qu’un salarié expérimenté. Ce n’est toutefois pas une fatalité et la situation s’améliore régulièrement. L’INRS travaille avec l’Éducation nationale et l’enseignement supérieur pour inculquer une culture de la prévention en amont afin que l’alternant ou le jeune diplômé dispose des notions de base sur la prévention des risques et sur les consignes à respecter. Une étude épidémiologique de l’INRS a montré que les moins de 25 ans, formés aux sujets de santé et sécurité au travail pendant leur scolarité, ont deux fois moins d’accidents du travail que les autres.
Comment maintenir cet effort dans la durée ?
G. M. : La formation doit se poursuivre tout au long de la vie. C’est bien sûr plus facile à organiser dans une grande entreprise, qui dispose de moyens et de ressources dédiés, que dans une TPE. Tout commence par une prise de conscience de l’importance de la prévention des risques professionnels et de la santé au travail. L’entreprise va ensuite se mettre en ordre de marche, organiser l’accueil et le suivi des nouveaux et former les encadrants – chef d’équipe, chef d’atelier, tuteur ou maître d’apprentissage – à la sensibilisation des salariés. Les actions de prévention concernent tous les salariés. Si la prévention semble plus évidente pour les travailleurs postés de l’industrie, exposés à des risques physiques, machines ou chimiques, les métiers du tertiaire peuvent être aussi soumis aux troubles musculo-squelettiques (TMS) et aux risques psychosociaux (RPS) liés respectivement au poste de travail et à l’organisation du travail.
Vous insistez sur l’importance d’associer les collaborateurs…
G. M. : La démarche de prévention doit s’appuyer sur le dialogue social. Une démarche participative permet aux salariés de contribuer à la réflexion. Par exemple, l’introduction d’un nouveau processus de fabrication ou d’une nouvelle organisation du travail tiendra compte des réalités du terrain, par un travail avec les intéressés. Associer les opérationnels est le meilleur moyen de s’assurer qu’ils s’approprieront les mesures de prévention qui seront prises. Le salarié doit conserver une marge de manoeuvre et pouvoir adapter sa façon de faire en fonction des contraintes du moment. Si le travail est trop prescrit ou trop piloté par une machine ou une solution technologique, cela peut être contreproductif. C’est un équilibre à trouver.
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