Rester opérationnel sur le terrain malgré le handicap
Lorsque l’on se retrouve en situation de handicap, que ce soit suite à un accident de la vie ou bien à une pathologie, notre environnement et notre quotidien s’en trouvent naturellement bouleversés. Sur le plan professionnel, pour l’individu concerné, débute souvent un véritable combat pour réussir à poursuivre son activité dans des conditions satisfaisantes.
L’agriculteur, de par son cadre de travail si particulier, a souvent besoin d’un accompagnement bien spécifique. Contraint à des déplacements quotidiens fréquents, sur des sols rarement compatibles avec les capacités d’un fauteuil roulant, ou bien aux commandes d’engins dont le poste de conduite est souvent haut perché, les ajustements sont indispensables. En dehors des personnes à mobilité réduite, d’autres formes de handicap peuvent poser de réels problèmes pour un travailleur agricole. Nous avons échangé avec Virginie Douet, ergothérapeute à Compiègne, dans l’Oise, et Claude Heuga, conseiller technique à Harmonie Medical services et spécialisé dans les questions de prise en charge du handicap.
— Thomas FRANCOUAL (Tribune Verte 3028)
Virginie Douet, ergothérapeute : « Notre objectif est de trouver une solution pour les tâches qui sont devenues impossible ou trop pénibles »
Y a-t-il un profil récurrent parmi les travailleurs du secteur primaire ?
Virginie Douet : Avant même de travailler auprès d’agriculteurs en situation de handicap, nous recevons régulièrement des demandes de la part d’étudiants qui se trouvent dans cette situation et qui sont inscrits dans des structures en lien avec le monde agricole. Ils viennent nous voir, en premier lieu car ils ont besoin d’aménagements ou d’une reconnaissance de leur statut par rapport à leurs besoins dans leur futur parcours professionnel. Tout d’abord, lorsque l’on intervient auprès d’une personne, notre but est d’améliorer son autonomie sur l’ensemble du quotidien. Il y a donc des ajustements qui peuvent être décidés pour un agriculteur, mais qui seront tout aussi valable pour d’autres catégories socioprofessionnelles, tout simplement parce que ces patients auront des similitudes dans leur cadre de vie.
Comment débute la prise en charge du travailleur ?
V.D. : Il n’existe pas de prise en charge spontanée. Heureusement, la sécurité sociale est de plus en plus présente pour accompagner la reconnaissance du handicap et participer aux démarches liées aux soins. Mais cela reste soumis aux conditions de ressources.
Un travailleur agricole affecté depuis peu, devrait en premier lieu s’adresser à la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) de son lieu de résidence. Cette structure peut aider à la prise en charge, mais il faut au préalable constituer son dossier. Le conseil départemental ou les CCAS ont aussi un rôle à jouer en fonction de la situation de la personne. La mutuelle peut aussi intervenir, et ensuite, quand toute la logique administrative est enclenchée, on leur conseille de se rapprocher d’un ergothérapeute.
Et commence alors votre accompagnement…
V.D : À ce moment-là, l’agriculteur diminué sera soumis à un questionnaire assez complet. Ensuite, en premier entretien, on va effectuer une évaluation de ses capacités. On peut se déplacer à son domicile et sur son lieu de travail afin de bien comprendre ses besoins en fonction des gestes qu’il doit exécuter sur son exploitation par exemple. L’objectif est de voir par nous-même quelles tâches sont devenues impossibles ou bien pénibles et décider quelles solutions on pourra proposer. Il peut s’agir de préparer la commande d’un fauteuil sur mesure, ou encore d’un exosquelette pour les travailleurs atteints de handicaps plus légers. Mais en général, il y a fort logiquement des points communs dans les besoins des personnes qui partagent le même handicap et ce indépendamment de leur profession. Si ce n’est qu’un agriculteur paraplégique doit souvent disposer en priorité d’un fauteuil spécialisé, plus adapté à des terrains accidentés, comme ceux que l’on peut rencontrer sur des exploitations.
Claude Heuga, conseiller technique à Harmonie Medical services : « Un fauteuil sur mesure, tout-terrain, conçu pour un agriculteur coûte ente 20 000 et 30 000€ »
Avez-vous des exemples d’agriculteurs touchés que vous accompagnez dans leur quête d’autonomie au travail ?
Claude Heuga : Je travaille en ce moment avec un agriculteur qui souhaite justement conserver son activité et pouvoir effectuer toutes les missions qu’il faisait avant d’être en situation de handicap. En lien avec CapEmploi, ce monsieur s’est équipé de matériels spécifiques pour lui permettre d’aller sur ses terres et d’y travailler convenablement. Il y a par exemple des ajustements mis en place pour l’aider à la conduite de son tracteur, mais aussi une plateforme pour faciliter l’installation à bord du véhicule. Pour la partie « bureau et administratif », il dispose aujourd’hui d’une chaise sur mesure, assistée par un vérin électrique. Cela lui facilite la transition entre la position assise et debout, car il ne peut conserver cette position sans ce système.
Sur le plan financier, nous suivons cet agriculteur pour ses démarches d’aides auprès de la sécurité sociale. Sur la partie pratique, notre rôle est d’assister pour l’acquisition du matériel adapté. Il doit lui permettre de poursuivre son activité professionnelle. Ce travail est aussi réalisé grâce à CapEmploi qui, de son côté, va aider à déterminer les besoins précis de la personne, souvent en lien avec un ergothérapeute. Mais l’organisme oeuvre aussi sur la partie administrative, afin de trouver les dispositifs d’aide au financement. Car les équipements spécialisés sont très onéreux. Ce sont des démarches parfois longues, qui demandent de la réflexion, des essais, et vu les sommes engagées, on n’a pas le droit à l’erreur.
Quel est le poste de dépense principal pour ces personnes ?
C.H : Pour les personnes à mobilité réduite, c’est bien sûr le fauteuil tout terrain, car il est, en outre, souvent conçu au cas pas cas. Nous réalisons une fiche de mesure, comme on le ferait pour un costume sur mesure justement. Ensuite, l’appareil est produit en usine, spécifiquement pour la personne qui a passé commande. Pour les agriculteurs, il s’agit d’un système qui s’apparente un peu à un « mini-quad », puisqu’on a besoin de quelque chose de motorisé et avec des pneus conçus pour accrocher dans des conditions d’adhérence précaire, lorsque le sol est poussiéreux, ou au contraire, trop gras. Ce dispositif coûte souvent entre 20 000 et 30 000 €. Mais c’est indispensable pour permettre à l’exploitant d’être autonome, se déplacer correctement afin de pouvoir diriger aussi efficacement qu’une personne valide. »
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