Rémunération : L’acompte sur salaire, une réponse aux fins de mois difficiles
Pour éviter les découverts bancaires et le surendettement, un nombre croissant de salariés utilise l’acompte sur salaire. En simplifiant le recours à ce dispositif légal, les entreprises renforcent leur attractivité et baissent leur turnover.
Moins d’un Français sur deux déclare parvenir à mettre de l’argent de côté et près d’un sur cinq (18 %) vit à découvert. Un chiffre en augmentation de trois points en un an. L’édition 2023 du baromètre de la pauvreté conduit par Ipsos pour le Secours Populaire note une nette dégradation du pouvoir d’achat. Dans le contexte inflationniste actuel, un nombre croissant de Français éprouve des difficultés à assurer leurs dépenses courantes, qu’il s’agisse de régler les factures d’énergie, de payer certains actes médicaux ou tout simplement de manger trois fois par jour.
Le recours au découvert bancaire et, pire, aux crédits à la consommation pour pallier ces difficultés récurrentes de trésorerie ne fait qu’empirer la situation financière des emprunteurs, les entraînant dans la spirale du surendettement.
Plus d’un quart des Français a demandé un acompte à Noël
Plutôt que de payer des intérêts exorbitants, les Français plébiscitent l’acompte sur salaire. Selon une étude réalisée par Rosaly, le nombre de salariés prêts à recourir à ce dispositif a presque doublé en trois ans, passant de 30 % à 57 %. Et ils sont de plus en plus nombreux à sauter le pas. 27 % des Français ont demandé un acompte sur salaire pour financer les dépenses du dernier Noël.
En soi, l’acompte sur salaire n’est pas nouveau. Il s’agit d’un droit inscrit dans le Code du travail (article L3242-1) que l’employeur ne peut donc refuser. L’acompte correspond au versement anticipé du salaire, dans la limite légale de la moitié de la rémunération mensuelle. Il est généralement versé le 15 du mois.
L’acompte se distingue de l’avance sur salaire, qui correspond, elle, au paiement anticipé d’une partie du salaire sur une période de travail qui n’a pas encore été réalisée. Par exemple, un salarié demande le 25 juin à percevoir une part de son salaire de juillet. À la différence de l’acompte, l’employeur est en droit de refuser ce type de demande.
« Bien-être financier »
Des start-up comme Rosaly, Spayr, Stairwage ou NessPay simplifient l’acompte sur salaire en jouant les intermédiaires entre l’employeur et l’employé. Plus de requête à adresser au manager ou à la DRH ou de formulaire à remplir, le salarié fait sa demande depuis une application mobile. Il peut déloquer la somme dont il a besoin, plusieurs fois dans le mois, sans attendre le 15.
Pionnier de ce concept du « salaire à la demande », Rosaly, qui a pour références clients Super U, Acorus ou le Groupe Bertrand, a tout d’abord adressé les entreprises employant des travailleurs dits de « la première ligne », dans l’hôtellerie-restauration, la santé, les services à la personne ou la grande distribution.
« Nous nous sommes vite rendu compte que les cols blancs de ces entreprises ont autant recours à l’acompte sur salaire que les colsbleus, avance Arbia Smiti, fondatrice de Rosaly. Le besoin est universel. » Selon elle, le bien-être des collaborateurs passe par la résolution des problèmes d’argent qui pèsent sur la santé mentale. Pour favoriser ce « bien-être financier », l’application Rosaly propose un simulateur d’aides sociales et une messagerie pour échanger avec des conseillers financiers.
Concept venu des pays anglo-saxons, le salaire à la demande répond à la quête de flexibilité des salariés qui, avec le télétravail, ont pour certains goûté à la possibilité de choisir leur lieu et leurs horaires de travail. Côté employeur, cette flexibilité est un levier d’attractivité et de fidélisation des talents. Selon Rosaly, le turnover des entreprises ayant recours à sa solution baisserait en moyenne de 27 %.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3043)
Étude : Un sujet encore tabou
L’acompte sur salaire fait l’unanimité. 81 % des Français préfèrent avoir recours à cette mesure plutôt que de se retrouver à découvert, selon un récent sondage d’OpinionWay pour Rosaly. Le pourcentage monte même à 87 % pour les 18-24 ans. L’adhésion au dispositif n’est pas liée aux revenus, bien au contraire. Le taux de réponses positives s’élève à 88 % chez les Français touchant un salaire supérieur ou égal à 3 500 euros par mois, contre 78 % pour des actifs gagnant moins de 2 000 euros. Une majorité des sondés (60 %) considère les entreprises qui proposent l’acompte sur salaire comme « beaucoup plus attractives ». Pour autant, le sujet reste un peu tabou. Si près de quatre salariés ou étudiants sur dix aimeraient demander un acompte sur salaire, 14 % n’osent pas sauter le pas. Les travailleurs à temps partiel (25 %), les jeunes de 18 à 24 ans (24 %) et les femmes (16 %) sont particulièrement gênés par l’exercice. Si près de quatre salariés ou étudiants sur dix aimeraient demander un acompte sur salaire, 14 % n’osent pas sauter le pas.
Avis d’expert : « Le salaire à la demande répond au souhait de flexibilité des collaborateurs »
Arbia Smiti, fondatrice de Rosaly.
Quel est l’intérêt premier de l’acompte sur salaire ?
Arbia Smiti : Le recours à l’acompte sur salaire permet de pallier des difficultés de trésorerie sans avoir à payer des agios ou contracter un crédit à la consommation. Un quart des Français est en découvert bancaire tout au long de l’année et 7 milliards d’euros d’agios sont versés chaque année aux banques. Sans parler des dépenses inattendues, l’achat d’un billet de train ou le versement d’arrhes pour réserver une location saisonnière, qui peuvent mettre à mal les finances d’un ménage. Plus concrètement, des salariés préfèrent reporter un rendezvous chez leur médecin que de devoir avancer les frais de santé.
Comment expliquez-vous que le dispositif ne soit pas plus utilisé ?
A. S. : L’acompte sur salaire est encore méconnu, alors qu’il s’agit d’un dispositif légal inscrit dans le Code du travail. Par ailleurs, les salariés sont souvent gênés de demander. Cela peut être, en effet, humiliant de devoir expliquer sa situation personnelle à son manager ou taper à la porte du service RH. Certains salariés ne savent même pas à qui s’adresser ni quel formulaire remplir. Certaines entreprises ont rendu l’exercice encore plus difficile, estimant que l’acompte complexifiait l’administration de la paie et qu’elles devaient faire une avance de trésorerie. Rosaly lève ses freins. Avec notre solution, l’entreprise n’a plus aucune intervention à effectuer et nous avançons la trésorerie. Depuis l’application mobile, un salarié peut, de son côté, demander un acompte sans attendre le 15 du mois. Il peut débloquer 50 euros le 3 et 150 euros deux jours plus tard, dans la limite de la réserve disponible.
Quels sont les bénéfices pour une entreprise ?
A. S. : En proposant cet avantage à ses salariés, une entreprise renforce sa marque employeur. Elle augmente son attractivité, notamment auprès des jeunes talents. Le concept de salaire à la demande entre en résonance avec le souhait des salariés de davantage de flexibilité, comme l’a permis le télétravail sur le temps et le lieu de travail. L’acompte sur salaire est de plus en plus demandé en entretien d’embauche. C’est même devenu un critère rédhibitoire pour les candidats dans les pays anglo-saxons, plus matures sur le sujet. Il agit aussi sur la fidélisation des équipes en faisant baisser le turnover de près de 30 % en moyenne. L’acompte sur salaire peut inciter un collaborateur à accepter des heures supplémentaires ou une nouvelle mission sachant précisément combien il gagnera en plus. Inversement, cela peut réduire le taux d’absentéisme quand le collaborateur visualise la perte sur salaire d’un jour non travaillé.
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