Quels leviers actionner pour retenir ses talents ?

Publié le 14 avril 2023
Temps de lecture estimé : 7 min

Fidéliser ses collaborateurs devient un enjeu clé dans le contexte actuel de pénurie de compétences. Du bien-être au travail à la formation, en passant par le mode de management, les leviers de rétention ne manquent pas.

Plus d’un dirigeant d’entreprise sur trois, 35 % plus précisément, anticipe une hausse des démissions en 2023. Ce chiffre, tiré d’un sondage d’OpinionWay pour le cabinet de recrutement Grant Alexander, reflète les tensions actuelles sur le marché du travail. Avec un taux de chômage à son plus bas depuis 1982, la guerre des talents sévit plus que jamais en dépit de l’inflation galopante, du climat social ou du contexte géopolitique.

À défaut de recruter les profils qui lui font défaut, les entreprises ont tout intérêt à conserver leurs talents. Recruter et former de nouveaux salariés présente un coût autrement plus important que de fidéliser ses troupes sur le long terme. Un turn-over trop élevé agit par ailleurs comme un cercle vicieux. La démission de collègues peut inciter des collaborateurs à sauter le pas. Des départs en série envoient aussi un mauvais signal au marché et peuvent rebuter d’éventuels candidats.

La crise sanitaire a modifié l’ordre des priorités

La rétention des talents en 2023 est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans un monde post-Covid. La crise sanitaire et son climat anxiogène ont conduit nombre de salariés à s’interroger sur le sens de leur travail et leur rapport à l’entreprise. Certains ont démissionné – ce qui a créé le phénomène de « grande démission » aux États-Unis – ou se sont désinvestis professionnellement, on parle alors de démission silencieuse ou « quiet quitting ».

La pandémie a aussi modifié l’ordre des facteurs d’engagement. Si la question de la rémunération redevient un critère primordial avec le taux d’inflation actuel, elle s’accompagne d’autres exigences. Le télétravail est désormais considéré comme un acquis. Il permet de gagner en flexibilité et en confort de vie. Les entreprises qui ne l’ont pas généralisé partent
avec un sérieux handicap.

Manque de reconnaissance, management toxique, perspectives d’évolution limitées… Les autres facteurs incitant à la démission diffèrent d’une organisation à l’autre. Pour les connaître précisément, il est conseillé de sonder régulièrement le moral de ses troupes (lire interview) et de questionner les démissionnaires sur les raisons réelles de leur départ.

Répondre à la quête de sens des Z

Si certaines raisons ne sont pas imputables à l’entreprise, comme la mutation d’un conjoint, d’autres doivent la questionner sur son organisation ou ses valeurs. Tout commence par la période d’intégration. Les premiers jours d’une recrue sont cruciaux et le parcours d’onboarding doit être conçu avec attention. Il s’agit ensuite de maintenir l’engagement du collaborateur en lui offrant rapidement des perspectives d’évolution. Le développement des compétences par la formation, le coaching ou la mobilité interne assurent son employabilité tout en révélant des talents cachés entre les murs.

La culture d’entreprise est, bien sûr, un autre critère clé. L’entreprise doit passer à un management horizontal et empathique, laissant une large autonomie aux collaborateurs. Il s’agit aussi de répondre à la quête de sens, tout particulièrement des jeunes actifs de la génération Z, en engageant des actions concrètes en faveur des grands enjeux sociétaux et environnementaux, à commencer par la lutte contre le réchauffement climatique. Enfin, le sujet du bien-être physique et mental ne peut être ignoré après l’explosion des cas de burn-out suite à la pandémie. Prévention des risques psychosociaux, programmes de gestion du stress, accès facilité aux salles de sport… Les initiatives ne manquent pas pour améliorer la qualité de vie au travail, récemment rebaptisée qualité de vie et des conditions de travail. Un changement de dénomination qui permet de prendre en compte un périmètre plus large.

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3012)

Avis d’expert : « SONDER RÉGULIÈREMENT LES COLLABORATEURS » David Guillocheau, directeur général de ZestMeUp.

Quels enseignements tirer de la crise Covid ?


David Guillocheau : La crise sanitaire a changé le regard des collaborateurs sur leur rapport au travail. Elle a aussi permis certaines avancées. En supprimant les temps de transport. La généralisation du télétravail participe à un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Si les attentes sont fortes concernant la flexibilité, les collaborateurs ne veulent pas se voir imposer les jours télétravaillés. Il vaut mieux donner un cadre général – pas plus de deux jours de télétravail par semaine, par exemple – puis laisser le manager ajuster les règles au niveau de son équipe. Le télétravail pose, par ailleurs, un problème d’équité. Les populations du siège sont éligibles au télétravail, mais pas les travailleurs dits « de première ligne » sur les sites de production. Ils peuvent se sentir floués. Des entreprises réfléchissent à adopter la semaine de quatre jours, un dispositif qui concerne cette fois tous les collaborateurs.

Comment recueillir les souhaits des salariés ?


D. G. : Par le passé, les entreprises menaient un baromètre social tous les deux ans. Cela était vécu comme un exercice institutionnel. Une sorte de cartographie du corps social que l’on partageait avec les partenaires sociaux. La photo était vite jaunie et les actions mettaient des mois à être mises en oeuvre. Les entreprises sondent aujourd’hui plus régulièrement leurs collaborateurs, tous les six mois ou un an maximum. La typologie des questions a également changé. Elles sont moins nombreuses mais davantage actionnables. Les résultats du baromètre doivent servir à agir. Bien sûr, les réponses à apporter diffèrent en fonction du profil du collaborateur ou de son lieu de résidence. Un pack mobilité douce conviendra à une population urbaine, mais ne sera pas adapté en milieu rural, où les déplacements à vélo peuvent être compliqués. De même, l’entretien annuel d’évaluation ne peut plus être le seul rituel de management. Surtout depuis l’instauration du télétravail. Le manager doit pouvoir conduire régulièrement des entrevues en face-àface. Cela permet d’évacuer les irritants avant qu’il ne soit trop tard, réduisant ainsi le turn-over.

Quelles sont les attentes qui remontent de façon récurrente ?


D. G. : Autre enseignement de la crise Covid, le lien social devient primordial. Les collaborateurs reviennent avant tout pour voir leurs collègues et échanger avec eux, alors que l’entreprise a une vision plus productiviste du travail en présentiel. En tant qu’animateur de groupe, le manager a un rôle clé à jouer. Il alternera les moments de convivialité, pour resserrer les liens, et les temps de collaboration. Une autre attente forte porte sur la gestion de carrière. Le collaborateur veut développer ses compétences, évoluer dans l’entreprise, sans attendre une formation dans six mois ou un an. Inflation oblige, la rémunération est, bien sûr, une préoccupation constante. À l’employeur de trouver le bon niveau pour ajuster les salaires.

Étude : UN NOUVEAU CONTRAT EMPLOYEUR-COLLABORATEUR

L’étude Global Talent Trends de Mercer dresse les cinq priorités des DRH pour retenir leurs talents. Dans un monde post-Covid, le cabinet de conseil propose d’établir un nouveau contrat employeur-collaborateur basé sur l’authenticité et la transparence. 96 % des salariés attendent de leur entreprise qu’elle mène un programme de développement durable. La flexibilité est aussi de mise. 68 % des collaborateurs ne rejoindraient une entreprise qu’à condition qu’ils puissent travailler à distance ou en mode hybride. Autre piste : l’amélioration de l’expérience collaborateur. 22 % des salariés citent la complexité organisationnelle comme un obstacle majeur. Face à l’explosion des cas de burn-out, 24 % des entreprises mettent en place des stratégies de bien-être mental ou émotionnel. Enfin, il convient de maintenir l’employabilité de ses collaborateurs. 75 % d’entre eux savent précisément quelles compétences leur seront nécessaires demain.

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