Prévention des risques psychosociaux : La santé mentale des salariés, un sujet encore tabou

Publié le 20 août 2024
Temps de lecture estimé : 7 min

Depuis la crise sanitaire, le nombre de salariés en détresse psychologique ne cesse de croître. Au-delà de la prévention des risques psychosociaux, les entreprises sont invitées à s’attaquer aux causes réelles de ce mal-être au travail.

Démotivation, absentéisme, dépression, burn-out, voire tentative de suicide… Le mal-être au travail crée des ravages et des drames humains. Selon le dernier baromètre réalisé par le cabinet spécialisé Empreinte Humaine, près d’un salarié français sur deux se déclare en situation de détresse psychologique.

Depuis la crise sanitaire, la santé mentale des salariés n’a, de fait, cessé de se dégrader. Alors que le télétravail offre davantage d’autonomie au salarié, il crée une porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Sans coupure nette après le travail, le repos psychique ne se fait plus. Avec le numérique, rien n’interdit au salarié de continuer à travailler en dehors des horaires traditionnels.

L’essor de l’intelligence artificielle est une autre source d’inquiétude. Au-delà des menaces sur l’emploi qu’elle fait peser sur certains métiers, l’IA vient modifier en profondeur la façon de travailler dans d’autres professions. Aller au-delà de la prévention Médecin coordinateur du service santé au travail chez Efficience santé au travail, Hervé Baudelocque observe ainsi une perte d’autonomie des techniciens de maintenance avec l’arrivée de l’IA. « Avec la maintenance prédictive, ils conservent très peu de marges de manoeuvre, alors qu’ils ont acquis une connaissance intime du fonctionnement des machines à maintenir. » S’il existe des facteurs exogènes à l’entreprise – conflits familiaux, problèmes financiers, contexte social, économique et géopolitique… – qui contribuent au mal-être, l’employeur doit, rappelle le Code du travail, prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Une entreprise a d’ailleurs tout intérêt à mener une politique active de prévention des risques psychosociaux si elle veut lutter contre l’absentéisme et faire de l’engagement des collaborateurs un levier de productivité. Les difficultés de recrutement sur certains métiers incitent, par ailleurs, les entreprises à proposer un environnement de travail serein et bienveillant si elles veulent attirer et fidéliser les talents. Selon le même baromètre, une moitié des salariés seraient prêts à accepter un travail moins bien rémunéré pour rejoindre une entreprise plus active sur le sujet de la santé mentale au travail.

Les managers, un rouage important

Pour Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine, les entreprises devraient s’attaquer aux racines du mal, la souffrance étant souvent liée à une charge de travail trop élevée, à un management toxique, à une faible autonomie laissée au travailleur, à un manque de reconnaissance ou à une organisation de travail défaillante.

Au lieu de quoi, les employeurs se contentent souvent, quand ils le font, d’organiser des ateliers de sensibilisation ou d’orienter leurs salariés en détresse vers la médecine du travail et des psychologues. Les managers de proximité, rouage important de la vie sociale, sont sensibilisés au sujet mais pas réellement formés. Face à ce vide, un grand nombre de start-up spécialisées comme Moodwork, Teale, Moka.care ou Holivia ont investi le créneau. Avec leur application numérique, elles proposent d’évaluer l’état mental du salarié à un moment donné puis de lui dispendispenser un programme sur mesure à base de tutoriels et de cours pour gérer son stress ou améliorer la qualité de son sommeil. « Attention aux solutions clé en main, avertit Christophe Nguyen. Les évaluations doivent reposer sur une approche scientifique, rigoureuse et éthique et se dérouler selon les règles de l’art. Sinon, la lecture des évaluations peut aboutir à des interprétations erronées. »

— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3045)

Étude : Près d’un salarié sur deux en détresse psychologique

Publiée fin novembre, une étude réalisée par le cabinet Empreinte Humaine avec OpinionWay montre une dégradation de la santé mentale des salariés français. 48 % d’entre eux se disent en détresse psychologique. C’est quatre points de plus qu’en février 2023. 17 % se déclarent même en détresse psychologique élevée, et 70 % jugent que leur mal-être est au moins en partie lié à leur travail. Parmi eux, 32 % des salariés risquent de faire un burn-out et 12 % sont sévèrement exposés à ce risque. Les jeunes de moins de 29 ans et, à l’autre bout du spectre, les plus de 60 ans sont particulièrement concernés par ce fléau. Cette deuxième catégorie enregistre une hausse de 32 points, qui pourrait être consécutive à l’allongement de l’âge du départ à la retraite.

Avis d’expert : « Il faut agir sur les causes »

Christophe Nguyen, président du cabinet Empreinte Humaine

Quel est le niveau de détresse des salariés français ?
Christophe Nguyen : Selon le dernier baromètre de notre cabinet, le taux de détresse actuel des salariés français reste à un niveau élevé. La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes actifs et les salariés qui sont en télétravail à temps plein. Celui-ci apporte, bien sûr, des bénéfices en matière d’autonomie dans l’organisation du travail ou d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Revers de la médaille, il crée un isolement social et une déperdition du sentiment d’appartenance à un collectif. Bien sûr, il existe des facteurs exogènes au monde du travail. Le contexte politique actuel en France génère, par exemple, de l’anxiété, des comportements violents, libère une parole discriminatoire, voire raciste.

Que proposent les entreprises pour répondre à cette situation ?
C. N. : Leur politique se résume souvent à la prise en charge du sujet par des organismes tiers. Améliorer la santé mentale de ses collaborateurs ne se résume pas seulement à proposer des consultations avec des psychologues. C’est indispensable mais pas suffisant. De même, nombre d’employeurs mettent en avant leur politique de qualité de vie au travail pour attirer et fidéliser les talents. Toutefois, le bien-être au travail ne se limite pas à mettre à disposition une salle de sport ou à proposer des menus bio à la cantine.

Que préconisez-vous ?
C. N. : Il faut agir sur les causes. Trois quarts des salariés disent que la stratégie de leur entreprise s’oppose à leur bien-être. Le mal-être peut venir d’une organisation de travail inadaptée, d’un management toxique, d’un manque de reconnaissance. C’est généralement la combinaison de plusieurs facteurs. Ce travail d’introspection permet ensuite de conduire un plan d’action dans la durée. Les managers doivent être régulièrement formés au sujet et pas une fois pour toutes. Ils doivent, par exemple, s’assurer que la charge de travail qu’il donne à leur équipe n’est pas trop importante. À chaque introduction d’un nouvel outil, l’entreprise doit aussi évaluer son impact sur les collaborateurs et accompagner le changement. L’arrivée de l’intelligence artificielle peut être vécue comme une source d’inquiétude. À la fois menace et opportunité, l’IA remet en cause un certain nombre de métiers tout en déchargeant des coll

 

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