L’IA générative, la nouvelle meilleure amie de la DRH ?
Rédaction d’offres d’emploi, présélection des candidats, création de référentiel de compétences, individualisation des parcours de formation… ChatGPT et consorts offrent un grand nombre de cas d’usage appliqués à la fonction RH. Comment appréhender cette intelligence artificielle nouvelle génération ? Quels garde-fous mettre en place ?
À moins d’avoir passé les douze derniers mois sur une île déserte, vous n’avez pas pu passer à côté du phénomène ChatGPT et consorts. Ces IA dites « génératives », proposées par OpenAI, Anthropic (Claude) ou Google (Bard) peuvent, en temps réel, répondre à des questions pointues, faire le plan d’un article puis le rédiger, prendre en note les propos des participants à une réunion et en établir le résumé, traduire un texte dans la langue de son choix ou générer à la volée du code informatique. La liste des possibilités n’est pas exhaustive et s’élargit au fil des mois. Ces outils étant en accès libre, tout un chacun a pu les expérimenter et tester leur utilité à titre privé ou dans le cadre professionnel. Manipulant un grand nombre de données textuelles, la DRH est éligible à un nombre élevé de cas d’usage.
Dans le seul domaine du recrutement, l’IA générative peut rédiger une fiche de poste et l’offre d’emploi associée, présélectionner les candidats en fonction des critères retenus, aider à la préparation aux entretiens d’embauche en suggérant une trame de questions, faire la synthèse des échanges entre le recruteur et le candidat.
Plus généralement, un employeur va interroger l’IA sur les grandes tendances du marché de l’emploi. Quels sont les nouveaux métiers qui émergent ? Quelles sont les rémunérations proposées ? Pour renforcer sa marque employeur et sa notoriété, une entreprise utilisera l’IA générative pour concevoir du contenu RH contenant les bons mots-clés afin d’optimiser son référencement naturel (SEO) sur le web. Au-delà du recrutement, l’IA générative peut décharger les assistants RH dédiés à l’administration du personnel d’un grand nombre de tâches sans valeur ajoutée avec, par exemple, la création automatique d’un dossier collaborateur. Dans la paie, elle assure un contrôle qualité en faisant la chasse aux anomalies. Dans le domaine de la gestion des talents, l’IA est attendue dans la personnalisation des programmes de formation en fonction du profil de l’apprenant. Elle peut aussi favoriser la mobilité interne en rapprochant les souhaits des salariés des postes à pourvoir.
Les promesses de l’IA enfin tenues ?
Si l’IA « traditionnelle » tenait déjà ce type de promesses, l’IA générative les concrétise en offrant un véritable saut qualificatif. Les premiers chatbots peinaient à renseigner les collaborateurs sur des requêtes simples comme le nombre de jours de congés à prendre. Les agents conversationnels nouvelle génération permettent d’engager un véritable dialogue en langage naturel déchargeant le personnel RH de ces demandes récurrentes.
Comme toujours, le marché s’est emparé de cette nouvelle révolution. Un nombre croissant d’éditeurs spécialisés comme Golden Bees, CleverConnect, Hippolyte, Workday ou 365Talents ont intégré les modèles d’IA générative à leurs solutions RH. Pour des raisons de sécurité et de confidentialité, les entreprises, du moins les plus grandes, font déjà appel à des modèles privés, des sortes de ChatGPT internes, entraînés sur leurs propres données et fonctionnant en vase clos.
Enfin, ce changement de paradigme implique d’importants efforts en conduite du changement, mais aussi un encadrement des usages. Pour éviter la fuite d’informations sensibles, répréhensible au regard du RGPD, la charte des usages numériques rappellera au collaborateur qu’il ne doit utiliser que les outils mis à sa disposition dans un cadre professionnel et non les IA en accès libre.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3029)
Avis d’expert : « Des cas d’usage émergent dans la paie, le recrutement ou la gestion des talents »
Stéphane Roder, président d’AI Builders, cabinet de conseil en stratégie data et IA.
Quels sont les apports de l’IA générative à la fonction RH ?
Stéphane Roder : L’IA générative se prête bien à la fonction RH qui manipule beaucoup de données non structurées, notamment des documents textuels. Un grand nombre de cas d’usage émerge dans les domaines de la paie, de l’administration du personnel, du recrutement et de la gestion des talents. Dans le domaine de la paie, l’IA peut multiplier les contrôles de conformité et mettre en évidence des écarts-types, et donc d’éventuelles anomalies. En ce qui concerne le recrutement, l’IA générative peut rédiger un descriptif de poste puis assurer la correspondance entre les candidatures reçues et les attendus de ce poste. De son côté, un candidat peut se perdre parmi les centaines d’offres que proposent certains sites d’emploi. À partir de son CV téléchargé, l’IA va effectuer une correspondance inversée en remontant les offres les plus pertinentes en fonction de son profil. Dans le domaine de la gestion des talents, l’IA générative peut résoudre la délicate création d’un référentiel de compétences. Elle va aller chercher toutes les compétences d’un collaborateur au-delà de la quinzaine de compétences qu’un responsable RH aurait pu remonter manuellement.
Comment accélérer son adoption ?
S. R. : Comme toute révolution technologique, les groupes du CAC 40 sont aux avantpostes puis il y a un ruissellement vers les entreprises de moindre taille. L’intégration de Copilot dans la suite collaborative Microsoft 365 marque toutefois un tournant dans l’adoption de l’IA générative. Les collaborateurs auront accès nativement à ce type d’outil dans Word ou Excel. L’IA devient une commodité accessible à toutes les organisations. Ces outils, qui reposent sur des requêtes en langage naturel, sont simples et intuitifs. Pour autant, un accompagnement au changement est nécessaire. Il s’agit d’expliquer au collaborateur en quoi l’IA transforme son métier. Pour éviter les craintes irrationnelles, il convient de démystifier ses apports. L’opérationnel conserve la main. Le robot propose, il dispose.
Par où commencer ?
S. R. : La demande est très forte au sein du cabinet pour accompagner les DRH dans la rédaction de schémas directeurs. Par quels cas d’usage commencer ? Quelle trajectoire d’adoption mettre en oeuvre ? Dans la fonction RH, 80 % des éléments sont communs à toutes les organisations et les 20 % restants sont spécifiques à un métier. Les problématiques rencontrées dans le BTP ne sont pas les mêmes que dans le secteur de l’assurance. Le retour sur investissement (ROI) n’est qu’un des paramètres dans le choix d’un cas d’usage. Ce dernier doit embarquer le plus grand nombre et être en adéquation avec l’existant technique. Un projet peut avoir un ROI très élevé et être techniquement impossible, car il exige de se connecter à 17 systèmes d’information différents. Selon leur maturité digitale, les entreprises offrent un accès plus ou moins facilité à leurs données RH.
Étude : Les patrons de PME favorables à l’IA mais conscients des risques
Pour une fois, une étude YouGov menée pour le prestataire Ionos donne la parole aux dirigeants des PME sur leur rapport à l’intelligence artificielle. Sur les 802 décideurs interrogés en France, seuls 14 % déclarent utiliser fréquemment des générateurs de texte tels que ChatGPT, des générateurs d’images ou des chatbots dans le cadre de leur travail. En dépit de cette faible adoption, 58 % des dirigeants estiment avoir une bonne connaissance de l’intelligence artificielle et une grande partie d’entre eux considère favorablement l’utilisation outils d’IA pour leur entreprise. Pour eux, l’IA peut simplifier et accélérer les processus (47 %), soulager le personnel des tâches standards (47 %), générer des idées créatives (47 %), réduire les coûts (41 %), soutenir le développement de produits et l’innovation (39 %) et constituer un avantage concurrentiel (38 %). Sur le volet négatif, ces patrons de PME évoquent des risques majeurs de désinformation (70 %), une absence de contrôle de la qualité (70 %) ou la menace que l’IA fait peser sur l’emploi (68 %). Parmi les autres risques figurent la violation des droits d’auteur ou la sécurité des données.
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