Le télétravail est-il menacé en France ?
Un nombre croissant d’entreprises envisagent un retour progressif au bureau. Si le télétravail est appelé à être davantage encadré, il reste un acquis que les salariés ne souhaitent pas voir remis en cause.
La rentrée 2024 n’aura pas été bonne sur le front du télétravail. Aux États-Unis, Amazon sonnait, mi-septembre, la fin de la récréation, imposant à ses salariés un retour complet au présentiel. De ce côté-ci de l’Atlantique, c’est l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft qui souhaite revenir à au moins trois jours de présence par semaine. Un retour « forcé » au bureau, qui a déclenché un appel à la grève des syndicats.
Quatre ans et demi après la généralisation du télétravail à la suite de la crise sanitaire, cette tendance à un retour progressif au bureau s’observe dans tous les secteurs d’activité et pas seulement chez les géants de la high-tech, qui ont été jusqu’à proposer le 100 % télétravail à leurs employés pour mieux les fidéliser. Le rapport de force entre le candidat et l’employeur s’étant inversé avec la dégradation du contexte économique, le chantage de la démission n’a plus le même impact.
Pour expliquer ce retour progressif au bureau, les entreprises concernées mettent en avant la perte de productivité mais aussi de lien social, le télétravail mettant à mal la cohésion des équipes. Elles rappellent que les interactions personnelles et les conversations informelles nourrissent la créativité, favorisent la collaboration, renforcent le sentiment d’appartenance.
Si certains employeurs ont vu dans le télétravail l’opportunité de réduire leurs coûts immobiliers, ils font aujourd’hui le constat que les idées fusent plus facilement quand tout le monde est réuni autour d’une table. Une étude de l’OCDE indiquait que le pic de productivité se situe à deux jours télétravaillés par semaine. Ce retour au bureau n’aura pas l’heur de plaire aux salariés qui se sont épanouis dans le travail à distance, trouvant un nouvel équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Ils ont gagné en autonomie dans l’aménagement de leur emploi du temps, tout en en supprimant la fatigue des trajets domicile-travail ou le stress lié aux open spaces bruyants. Une nouvelle forme de relation a aussi pu se nouer avec leur manager, basée sur la confiance.
Des accords de télétravail renégociés
Bien sûr, tout n’est pas parfait. Le manque d’interactions physiques avec les collègues et les clients peut provoquer un sentiment d’isolement. Connectés en permanence, multipliant les journées à rallonge sans véritables pauses, certains télétravailleurs se mettent, par ailleurs, en danger sur le plan de la santé physique et mentale. Pour contrebalancer les atouts et les inconvénients du télétravail, le travail en mode hybride, alternant jours télétravaillés et jours en présentiel, fait aujourd’hui consensus. Pourrait-il être remis en cause avec la tendance actuelle ? En France, le télétravail est encadré par des accords d’entreprise ou des chartes, fruits du dialogue social. Or, les accords triennaux sur le télétravail conclus entre 2020 et 2022, durant la crise Covid, arrivent à échéance et sont en train d’être renégociés avec les syndicats.
Un acquis social impossible à remettre en cause ?
Interrogé sur « France info », Benoît Serre, vice-président de l’association nationale des DRH (ANDRH), ne croit pas pour autant que la fin du télétravail soit à l’ordre du jour en France. Il n’envisage pas un grand retour au bureau, mais une forme plus structurée et encadrée du télétravail avec des jours fixes en présentiel ou un quota limité de jours télétravaillés. Ce qui signifierait la fin du modèle « open bar », où les salariés viennent sur site quand ils veulent.
Par ailleurs, la renégociation en cours des accords sur le télétravail peut être aussi l’occasion de donner des compensations aux personnes non éligibles au travail à distance, comme les cols-bleus et les travailleurs dits « de la première ligne ». À avoir les techniciens sur site, les commerciaux itinérants, les vendeurs en magasin ou les ouvriers en usine.
Les entreprises marchent sur des oeufs, et un retour brusque au bureau écornerait leur stratégie de marque employeur. Près d’un cadre sur deux se dit prêt à changer d’entreprise si leur employeur supprimait ce qu’ils considèrent comme un acquis social. Alors que la France était largement à la traîne sur le sujet avant la Covid, le télétravail s’est depuis diffusé au sein de toutes les entreprises, y compris les plus petites. Selon une étude de l’Apec, la part des cadres en télétravail régulier est de 54 % au sein des TPE et monte à 74 % dans les grandes entreprises. Benoît Serre rappelle, par ailleurs, qu’une entreprise dispose d’autres dispositifs que le télétravail pour répondre à l’aspiration des collaborateurs à plus de flexibilité dans l’organisation dans leur travail et un cadre moins hiérarchisé. On peut, par exemple, citer la semaine de quatre jours dans le premier cas et le management transversal dans le second. Enfin, une entreprise doit donner envie à ses employés de venir plus souvent au bureau. Le bureau d’antan, statistique et austère, doit laisser place à un lieu de vie convivial et modulable offrant tout le confort et l’équipement souhaité avec, en plus, des services de restauration et de conciergerie. Bref, ce que l’on ne trouve pas (toujours) à la maison.
— Xavier BISEUL
Études : Un cadre sur 2 souhaiterait télétravailler davantage…
Selon une étude de l’Apec, publiée en mars dernier, 67 % des cadres français télétravaillent au moins un jour par semaine et 49 % souhaiteraient même télétravailler davantage. Considérant le travail à distance comme un acquis et non une option, huit cadres sur dix actuellement télétravailleurs seraient mécontents si leur entreprise supprimait le télétravail. Pour 45 % d’entre eux, cela les inciterait à changer d’entreprise, une proportion qui monte à 57 % chez les moins de 35 ans. Un cadre sur deux souhaiterait même télétravailler davantage, alors que le quota généralement admis oscille entre deux et trois jours de télétravail par semaine. Seuls, 13 % des cadres ne souhaitent pas télétravailler. A contrario, un quart des cadres travaille exclusivement en présentiel, par choix ou par obligation. S’ils sont convaincus par les atouts du télétravail, les cadres restent lucides sur ses méfaits. Près de la moitié d’entre eux disent ressentir un sentiment d’isolement, un manque d’interactions avec leurs collègues ou leurs clients. Les recrues estiment que leur intégration s’en trouve compliquée et les collaborateurs plus anciens craignent de rater des informations importantes, voire des opportunités d’évolution. Autre écueil mis en avant : le brouillage des frontières entre les sphères professionnelle et privée.
…Tandis que leurs dirigeants privilégient le retour au bureau
Autre étude, autre son de cloche. Selon la dernière enquête « CEO Outlook » de KPMG, les dirigeants expriment une certaine distance par rapport à une généralisation du télétravail. Plus de 60 % privilégient le travail au bureau et, quand ils soutiennent des formes d’organisation du travail hybrides, ils sont une même proportion à souhaiter une présence importante de leurs collaborateurs au bureau
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