L’apprentissage en écoles d’ingénieurs agro : un modèle efficace mais en quête de visibilité

Publié le 8 avril 2025
Temps de lecture estimé : 8 min

L’apprentissage s’impose comme un levier clé pour la formation des ingénieurs en agroalimentaire et en agronomie. Si certaines écoles, comme Unilasalle, ont misé sur ce mode de formation depuis longtemps, d’autres, notamment les établissements publics, ont structuré leur offre plus récemment. Malgré une forte demande des entreprises et un accompagnement renforcé des étudiants, certaines écoles peinent à recruter suffisamment de candidats. Un paradoxe qui interroge sur l’attractivité de ces formations et les stratégies à adopter pour mieux les valoriser.

L’apprentissage est devenu un pilier de la formation des ingénieurs en agroalimentaire et en agronomie, mais son développement a pris des chemins différents selon les établissements. Tandis que certaines écoles privées, comme Unilasalle, ont intégré cette voie depuis plus de 25 ans, les écoles publiques ont mis en place un concours commun en 2015 pour structurer leur offre d’apprentissage. Si ce mode de formation reste un modèle performant, avec une forte demande des entreprises et une implication des établissements dans l’accompagnement de leurs apprentis, la difficulté de recrutement dans certaines écoles, comme à l’Institut Agro Montpellier, montre qu’il reste des efforts à fournir en matière de communication et d’orientation.

Unilasalle : un engagement précoce en faveur de l’alternance

Unilasalle regroupe quatre campus : Rennes spécialisé en génie de l’environnement, Amiens tourné vers le Génie énergétique les et systèmes numériques, Rouen orienté vers l’agronomie parcours international et les études vétérinaires et enfin Beauvais qui forme des ingénieurs en agronomie et agro-industies, en agro-alimentation et santé, et en géologie et environnement.

L’établissement a fait de l’apprentissage une composante essentielle de sa formation. L’école propose 18 formations par cette voie, soit en 3 ans de la 3e à la 5e année, 2 ans sur les deux dernières années. Elle affiche un solide réseau de partenaires et une expérience avérée dans l’accompagnement des apprentis.

Olivier Bareix, responsable des relations entreprises du CFA Unilasalle, souligne l’intérêt de cette modalité de formation : « Nous sommes une école privée, mais grâce à notre statut d’EEPSIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général), nous avons toujours eu à cœur d’accueillir des étudiants de milieux moins favorisés. L’apprentissage permet de lever le frein financier en prenant en charge les frais de scolarité. »

Accompagner aux mieux les apprentis

L’accompagnement des étudiants est central dans la démarche de l’établissement comme le détaille Olivier Bareix : « Notre rôle est d’aider les jeunes et les entreprises à se rencontrer et au-delà de nos relations entreprises et de notre réseau d’Alumni, nous mettons en place, pour cela, de nombreux outils, ressources et manifestations. Grâce à notre centre de carrière, nous pouvons accompagner nos étudiants, via des formations et des conseils individuels, à améliorer leur technique de recherche d’entreprise, à se préparer à un entretien, à améliorer leur profil LinkedIn. A chaque fois qu’un jeune est sélectionné dans notre école, il se voit également associer un accompagnateur (soit un enseignant-chercheur ou un membre de l’équipe d’apprentissage) pour l’aider dans ses choix professionnels et lui ouvrir son réseau de contacts. Enfin, nous organisons des jobdating en distanciel ou en présentiel. Ainsi, d’un point de vue purement quantitatif, on pourrait dire qu’on a plus de propositions de contrats que de candidats pour les pourvoir. Mais c’est le qualitatif qui prime. Trouver un contrat d’apprentissage pour un élève ingénieur n’est pas le plus compliqué. Le plus dur c’est de trouver LE contrat d’apprentissage qui permette à l’entreprise de trouver son futur collaborateur et au jeune de s’épanouir dans sa mission. »

Le succès de ce modèle est attesté par le fait que 7 entreprises sur 10 font une offre d’embauche à l’issue du contrat. « Cela ne veut pas dire que tous les apprentis l’acceptent, mais c’est le cas d’un sur deux en moyenne, précise Olivier Bareix. On remarque que certains apprentis fraichement diplômes où souvent envie d’aller voir comment ça se passe dans d’autres entreprises, et on peut le comprendre. Mais ils sont nombreux à finalement rejoindre leur entreprise d’accueil quelques années plus tard. »

80 % des contrats signés avant la rentrée à l’Institut Agro Montpellier

Du côté des écoles publiques, un concours commun a été créé en 2015 pour harmoniser le recrutement des apprentis. Ce concours s’adresse aux titulaires ou étudiants en dernière année de BTS, DUT ou licences professionnelles, avec une sélection basée sur des épreuves écrites, un dossier académique et un entretien oral. A l’Institut Agro Montpellier, les jurys accordent une attention particulière aux compétences techniques des candidats, mais aussi à leur maturité professionnelle. L’évaluation est assurée par un enseignant chercheur, un ingénieur formateur et un professionnel extérieur afin d’équilibrer les attentes en matière de savoir-faire et de savoir-être.

L’établissement, qui propose 25 places en apprentissage pour sa formation d’Ingénieur en agronomie, met un point d’honneur à accompagner les candidats dès leur admission. Ainsi environ 80 % des contrats sont finalisés durant l’été précédant la rentrée, 10 % entre la rentrée et la première période en entreprise en octobre. Les 10 % restants rencontrent plus de difficultés, mais bénéficient d’un accompagnement spécifique pour les aider dans leurs démarches, comme l’explique Amandine Bergia, chargée des relations entreprises alternance : « Dès leur admission, je propose à nos futurs étudiants des visios en groupe pour faire connaissance et savoir où ils en sont dans leur recherche. Les profils recrutés provenant souvent de BTSA effectués en apprentissage, ils ont une bonne maitrise de la démarche voire, dans certains cas, ont décidé de poursuivre leurs études dans leur ancienne entreprise. Pour accompagner ceux qui n’ont pas encore trouvé d’employeur, j’organise des échanges dès leur admission propose un webinaire dédié aux stratégies de recherche d’alternance, ainsi que des entretiens individuels. Ces échanges peuvent se poursuivre par des sessions personnalises pour affiner leurs stratégies de recherche, ou optimiser CV et lettres de motivation. Par ailleurs, je mène, toute au long de l’année, un travail de prospection pour collecter, auprès des entreprises, des offres approuvées par nos équipes pédagogiques et les partager avec les étudiants. »

Des places restent non pourvues

Malgré les dispositifs d’accompagnement et une forte demande de la part des entreprises, à l’Institut Agro Montpellier, la principale difficulté n’est pas la signature des contrats, mais bien le remplissage des promotions. L’école peine à attirer suffisamment de candidats, avec seulement 20 places remplies sur les 25 proposées. Elle n’est pas la seule à faire face à cette situation. L’an dernier, seules 238 places avaient été pourvues sur les 294 proposées à l’échelle nationale. Une situation préoccupante qui pousse les établissements à repenser leur communication et leur attractivité.

« Les métiers auxquels préparent nos formations sont parfois méconnus ou souffrent d’un manque d’attractivité, malgré de réelles opportunités d’évolution, analyse Amandine Bergia. Face à ce constat, nous intensifions nos efforts de promotion en intervenant dans les établissements proposants des BTS et BUT afin de mieux faire connaître la voie de l’ingénieur. »

A Unilasalle, Olivier Bareix constate que le développement de l’apprentissage atteint un certain palier. Une situation qui s’explique selon lui, par plusieurs facteurs : le creux démographique chez les jeunes, une désaffection pour les matières scientifiques mais aussi pour les études longues : « De plus en plus de jeunes envisagent plus leur scolarité par bond successifs : d’abord un bac +2, puis éventuellement une poursuite d’étude. Dans un contexte économique compliqué, on peut comprendre leur difficulté à se projeter dans l’avenir. Toutes ces tendances pèsent sur l’attractivité de nos écoles d’ingénieur. Et l’apprentissage est pour nous l’une des réponses à ces problématiques : cette voie répond à un vrai besoin de progression des individus, aux difficultés de recrutement des entreprises et à la nécessaire professionnalisation de nos enseignements pour coller aux besoins du terrain. Ça serait dommage de « casser » ce système qui a fait ses preuves. »

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