La blockchain, nouvel outil de transparence
Tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ce « grand livre » numérique permet la traçabilité et la vérification de la qualité des produits, de manière infalsifiable. Une façon, pour les industriels de l’agroalimentaire, de cultiver la confiance des consommateurs.
La chaîne d’approvisionnement des produits alimentaires, qui s’étend parfois sur plusieurs continents, est complexe. Elle implique en effet de nombreux acteurs – producteurs, transformateurs, transporteurs, distributeurs. Dans ces conditions, comment savoir si un produit n’a pas été frelaté (du cheval à la place de boeuf dans des lasagnes…) ou contaminé par la bactérie E. coli, comme ces graines de fenugrec importées d’Égypte en Europe en 2009 ? Ou s’il correspond bien aux engagements de la marque en matière de respect de l’environnement ?
Aujourd’hui, la blockchain permet de répondre à ces besoins et de connaître l’origine du produit, d’en vérifier les ingrédients et d’améliorer la durabilité de l’activité, le tout à l’aide d’un téléphone portable, en scannant un QR Code apposé sur le produit.
Consensus des participants sur les données
Cette traçabilité et cette transparence sont le fruit d’un système lancé en 1991, à l’origine pour calculer, à l’échelle de la planète, la valeur du bitcoin, une unité monétaire numérique. Depuis, le dispositif a été élargi à d’autres usages. La particularité de cette technologie numérique de stockage et de transmission d’informations vient du fait qu’elle opère sans un propriétaire unique, qui partagerait les données, et sans autorité centrale. Au contraire, dans la blockchain, ce sont tous les participants au réseau qui assurent le suivi, grâce à leur propre copie de la base de données. Un algorithme de consensus sécurisé assure un accord unanime sur le contenu correct des informations, de même que sur la conformité des copies de données. Ainsi, aucune altération n’est possible. Malgré les multiples acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, ce « grand livre » numérique offre donc une vision unifiée, en temps réel, de l’ensemble de la chaîne, aussi bien en ce qui concerne l’origine des denrées et le type d’ingrédients dans le produit commercialisé que les pratiques des acteurs (pesticides utilisés ou autres). Alors que les consommateurs sont de plus en plus soucieux de la qualité des produits alimentaires qu’ils achètent, la blockchain permet donc d’ajouter un ingrédient clé : la confiance. Un élément tout aussi essentiel pour les grandes marques.
Rassurer et fidéliser les clients
Reste à se lancer. Pour ce faire, les industriels de l’agroalimentaire ne sont pas seuls. Ils peuvent notamment s’appuyer sur la première Food Confidence Platform lancée par Connecting Food, une start-up de la FoodTech créée en 2016 par deux experts de l’agroalimentaire. « Notre système, associant la blockchain, qui sert essentiellement à documenter des transactions pour s’assurer que les produits livrés correspondent au cahier des charges, et d’autres technologies, nous permet d’auditer digitalement toute la chaîne d’approvisionnement », explique Maxine Roper, cofondatrice de la jeune pousse. Aujourd’hui, la solution est déployée dans différentes filières (lait, oeufs, céréales, légumes, biscuits…) dans plusieurs pays, par le biais de poids lourds comme la multinationale Mondelez, qui a lancé, début 2021, un système de traçabilité pour sa marque Lu et ses « Véritable Petit Beurre ». Grâce au QR Code, les consommateurs peuvent suivre toute la chaîne d’approvisionnement, la plateforme de Connecting Food retraçant le parcours du blé, de la production à la transformation en farine et à la fabrication des biscuits à l’usine. La start-up compte aussi Barilla parmi ses clients, pour sa marque de pesto. Et là encore, les consommateurs peuvent vérifier, dans 11 pays et 11 langues, dans quelle ferme le basilic est produit, dans quelles conditions, etc. « Barilla fait de la publicité sur ce thème et nous notons qu’après les campagnes, les scans de QR Code sont plus nombreux, indique Maxine Roper. Ensuite, les clients restent fidèles à la marque. » Certaines, de Francine à Géant Vert, vérifient même auprès des consommateurs s’ils sont satisfaits des informations fournies avec le QR Code. Apparemment oui.
Évaluer les risques
Autre cas, celui du distributeur suisse Migros, qui a demandé à Connecting Food d’auditer ses 14 700 fournisseurs pour ses marques. Au-delà de la conformité au cahier des charges, Migros cherche à évaluer les risques et à éviter de coûteux rappels de produits. Connecting food observe ainsi non seulement la provenance et les pratiques, mais aussi certains scores de risques, en fonction des produits ; « le poisson est plus risqué qu’une boîte de haricots verts », explique Maxine Roper, qui ajoute que ce scoring permet aussi « d’approfondir la relation avec certains fournisseurs pour qu’ils travaillent mieux ».
En somme, la blockchain permet aux consommateurs de choisir leur alimentation selon leurs besoins ou leur philosophie. Veulent-ils uniquement acheter des produits bio, même s’ils sont importés de l’autre bout du monde ? Ou privilégier l’agriculture locale et raisonnée ? Sont-ils allergiques au gluten ? Ils peuvent aussi personnaliser leur alimentation en fonction de ces critères, vérifiables grâce à la blockchain.
— Lys ZOHIN (Tribune Verte 3052)
Zoom : Des experts du marketing agroalimentaire à l’origine de connecting food
Collègues de longue date et professionnels du marketing agroalimentaire, Maxine Roper et Stefano Volpi ont vu leur carrière se croiser à travers différentes grandes marques européennes de la grande consommation, telles que Nestlé ou encore Avril. C’est une fois réunis à nouveau dans un grand groupe de l’agroalimentaire français, que l’opportunité de connecter tous les acteurs de la supply chain alimentaire leur est apparue comme une évidence. Une solution basée sur la blockchain, capable de transférer jusqu’au produit fini les jumeaux numériques (Food Twins) issus des ingrédients bruts, leur paraissait la solution à de nombreux problèmes du secteur. Eux-mêmes experts de l’agroalimentaire, Maxine Roper et Stefano Volpi savaient que les acteurs situés en amont de la supply chain généraient déjà les informations essentielles, mais qu’il leur manquait outils, ressources et motivation pour les exploiter. Ils ont donc fondé Connecting Food et posé les bases de la toute première Food Confidence Platform au monde. Aujourd’hui, l’équipe explique « poursuivre sa mission de libérer les données alimentaires et de fournir aux organisations et aux consommateurs les outils nécessaires pour créer ensemble un système agroalimentaire mondial efficace, fiable, durable et sûr. »
Tout savoir sur… Le petit beurre
Mondelez a été l’un des premiers industriels français à mettre en oeuvre la technologie innovante de la blockchain développée par Connecting Food sur un de ses produits phares : les biscuits « Veritable Petit Beurre ». Le concept est simple : il suffit de scanner avec un Smartphone le QR Code apposé au dos du paquet, et d’entrer le numéro de lot indiqué également à l’arrière du paquet. Le consommateur accède alors directement à la web-app Connecting Food, qui retrace tout le parcours du blé cultivé selon la Charte Harmony :
- les champs de blé : il est possible de zoomer sur une carte pour consulter la localisation des exploitations agricoles, entre Loire Atlantique et nord de la région Aquitaine ;
- les agriculteurs : l’application propose des portraits d’agriculteurs du programme Harmony qui ont cultivé ce blé ;
- les moulins : le consommateur découvre ensuite la transformation du blé en farine, les temoignages des meuniers, la localisation des moulins et la date de fabrication.
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