Êtes vous prêts pour la semaine de quatre jours ?
Sur le papier, le passage à quatre jours travaillés a tout pour séduire. Les employés gagnent en qualité de vie tandis que les entreprises renforcent leur marque employeur. Ce changement de rythme du travail n’est toutefois pas anodin.
Depuis quelques semaines, il n’a jamais été autant question de la semaine de quatre jours, depuis une annonce glissée dans le discours de politique générale du nouveau Premier ministre. Fin janvier, Gabriel Attal demandait que la fonction publique expérimente largement cette nouvelle organisation du travail. Une petite phrase qui a fait l’effet d’une bombe. Les acteurs publics sont, de fait, plutôt précurseurs dans le domaine. Depuis septembre, 300 agents volontaires de la métropole de Lyon testent le dispositif avec un premier bilan largement positif. En février, la RATP signait un accord avec les partenaires sociaux pour lancer, elle aussi, une expérimentation en ce sens. Le secteur privé n’est pas en reste avec des entreprises pionnières comme Lidl et Transdev.
Un levier d’attractivité
Sur le papier, la semaine de quatre jours a de quoi séduire les employés comme leur employeur. Son instauration peut diminuer le stress et la fatigue et participer à un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Avec un temps de repos sur trois jours, un collaborateur a plus de temps pour lui et sa famille. Il peut consacrer ce nouveau jour « off » à ses passions, à des actions associatives ou caritatives. Sur un plan plus pragmatique, la semaine de 4 jours participe à la lutte contre l’inflation. Pour les collaborateurs qui se déplacent en voiture, c’est 20 % de carburant économisé par semaine. Cette nouvelle organisation du travail peut aussi rétablir une forme d’équité vis-à-vis des salariés qui ne sont pas éligibles au télétravail, comme les métiers dits « de première ligne » mis en lumière durant la crise Covid-19, particulièrement nombreux dans le monde agroalimentaire.
Dans les secteurs connaissant des difficultés à recruter, la semaine de quatre jours constitue un atout évident pour attirer et fidéliser les profils rares. Avec des salariés plus reposés et épanouis, une entreprise gagne en productivité et fait diminuer l’absentéisme. En fermant ses locaux un jour de plus, elle peut, accessoirement, diminuer ses frais fixes et notamment sa consommation d’énergie.
Semaine de ou en quatre jours
Pour autant, la mise en place de cette nouvelle organisation du travail est lourde d’implications. À ce stade, il faut lever une ambiguïté. Il ne faut pas confondre la semaine de quatre jours et la semaine en quatre jours. Dans le premier cas, il s’agit de réduire le temps de travail, et dans le second, de ramener les 35 heures légales sur quatre jours, soit des journées de travail de 8 heures et 45 minutes.
La différence n’est pas que d’ordre sémantique. La semaine de quatre jours ne sera acceptée par les salariés qu’à condition de maintenir leur salaire actuel. La semaine en quatre jours, avec ses journées à rallonge peut, elle, être difficilement applicable à des métiers manuels et à forte intensité physique, en particulier dans le monde agricole. Associé stratégie sociale au cabinet EY, Nicolas Arnal-Bertrand insiste sur la nécessité de procéder à des phases pilotes afin d’évaluer la charge de travail réelle ou ressentie avec le changement d’organisation. « La semaine en quatre jours ne doit pas augmenter l’accidentologie au travail avec une baisse de la vigilance ou une fatigue accrue. »
Elle ne doit pas, non plus, avoir des impacts sur la rémunération. Or, « en intensifiant la charge de travail sur quatre jours, dans la limite légale de dix heures maximum par jour, certains salariés risquent de ne plus être payés en heures supplémentaires. » La semaine de/en quatre jours pose d’autres problèmes en matière notamment de relation client et de continuité de service (lire l’interview). Elle peut aussi venir s’entrechoquer avec le télétravail. Avec un jour de travail en moins, le besoin pour les équipes de se synchroniser au bureau devient plus précieux encore.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3037)
Avis d’experts : « La semaine de quatre jours requestionne le sens du travail »
Johann Sigrist, directeur culture transformation chez EY Fabernovel, et Nicolas Arnal-Bertrand, associé stratégie sociale chez EY
Dans quelle tendance la semaine de quatre jours s’inscrit-elle ?
Nicolas Arnal-Bertrand : Dans la mouvance de la généralisation du télétravail, elle répond à l’aspiration des salariés à gagner en flexibilité et en autonomie dans l’aménagement du temps de travail. En soi, la tendance n’est pas nouvelle. Cela fait déjà des années que la semaine de 4 jours a été mise en oeuvre dans les États nordiques et notamment en Islande, pays pionnier. Elle requestionne le sens du travail. Avec ce jour « off », un employé peut décider de prolonger son week-end ou de travailler pour une autre entreprise comme indépendant. Il peut profiter du temps libéré pour s’investir dans des projets personnels et notamment des projets à impact auprès d’associations et ONG. Du côté de l’entreprise, la semaine de quatre jours offre un levier d’attractivité, mais aussi de gains de productivité grâce à une organisation du travail plus efficiente.
Comment mettre en place cette nouvelle organisation du travail ?
Johann Sigrist : La mise en oeuvre de la semaine de quatre jours ne peut être improvisée. Une préparation bâclée pourrait entraîner des effets contreproductifs avec un possible allongement des plages horaires, une augmentation du stress. Il s’agit, dans une démarche itérative, d’évaluer les impacts opérationnels. Lors de phases pilotes, les hypothèses émises se confrontent à la réalité du terrain. Dans une démarche de co-construction, il s’agit aussi d’associer les salariés au projet. Des groupes de travail représentatifs intégreront différents métiers et niveaux de séniorité.
Quelles sont les bonnes pratiques ?
J. S. : La semaine de quatre jours pose la question de la continuité de service avec les interlocuteurs externes de l’entreprise, comme les clients, les partenaires ou les fournisseurs. Non seulement, cela ne signifie pas systématiquement une fermeture totale le cinquième jour, mais il est aussi possible pour les métiers en relation avec les clients d’établir un système de roulement en constituant des binômes. Il convient d’assurer la continuité de l’information pour, qu’après un jour off, un employé sache ce qui s’est passé en son absence. Cela suppose de renforcer le « knowledge management » et l’accessibilité à l’information. Une boîte mail individuelle devient, par exemple, accessible à toute l’équipe. Il s’agit également de redéfinir le circuit de validation et les rôles et responsabilités des uns et des autres pour pallier l’absence d’un cadre décisionnaire. Pour les cadres dirigeants, il est possible de découper la journée off en deux demi-journées.
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