Emilie Diop Perrot, responsable du pôle « Prévention du mal-être agricole à la Caisse Centrale de la MSA

Publié le 28 mars 2025
Temps de lecture estimé : 7 min

« Plus de 8000 sentinelles formées pour détecter les signes de mal-être. » 

Face à la détresse à laquelle font face certains acteurs du monde agricole, la Mutualité Sociale Agricole (MSA) a renforcé son dispositif de prévention avec la mise en place d’équipes dédiées/de coordination en 2021. A la caisse centrale, Émilie Diop-Perrot coordonne des actions essentielles, allant de l’accompagnement personnalisé à la formation d’un réseau de sentinelles capables d’identifier et d’orienter les agriculteurs en difficulté. Elle détaille pour nous ces initiatives. 

Pouvez-vous nous présenter le pôle « prévention du mal-être agricole » dont vous avez la responsabilité au sein de la caisse centrale de la MSA ? 

Emilie Diop Perrot : Le pôle PMEA (Prévention du Mal-Être Agricole) a été créé en 2024 pour conforter la task force dédiée depuis 2021  à la prévention du mal-être dans le monde agricole. La volonté de la MSA d’optimiser les dispositifs existants, de mieux les articuler conjuguée à la mission qui lui a été confiée par la feuille de route du plan interministériel de novembre 2021 a conduit à mobiliser des moyens humains sur le Programme PMEA.  Au cours de l’année 2022, chacune des 35 caisses de MSA s’est ainsi dotée d’un référent de la prévention du mal-être agricole. Leur mission principale est de coordonner  le déploiement du programme de prévention du mal-être agricole avec l’ensemble des services et acteurs de la MSA. Les situations de mal-être peuvent en effet avoir de multiples causes : rupture familiale, difficultés économiques, problèmes d’ergonomie au travail… De l’accueil téléphonique au conseiller sur le terrain, en passant par le service contentieux, la question du mal-être est l’affaire de tous. C’est aussi la force de la MSA qui grâce à son guichet unique et son approche multidisciplinaire permet d’offrir à nos usagers un accompagnement à 360°. 

Parmi les dispositifs et actions que peut proposer la MSA en matière de prévention du mal-être en agriculture, on retrouve notamment l’aide au répit ou le numéro d’appel gratuit Agri’écoute… Mais aussi un réseau de sentinelles. De quoi s’agit-il ? 

Emilie Diop Perrot : Ce réseau est né de manière assez intuitive en 2013, en prenant appui sur nos élus locaux MSA, en réponse au plan de prévention contre le suicide de 2011 lancé par le ministère de l’agriculture. Il repose sur des personnes volontaires qui jouent un rôle de veille et de repérage des agriculteurs en situation de détresse. Ces sentinelles sont des personnes en proximité du monde agricole, souvent vivant en milieu rural : élus MSA,  salariés du secteur agricole, actifs ou retraités, maires, vétérinaires… Il n’existe pas de critère particulier si ce n’est la volonté d’aider et une capacité d’écoute. Ils sont formés pour mieux repérer et orienter les personnes en difficulté. Les sentinelles agricoles sont aujourd’hui plus de 8000 sur l’ensemble du territoire. Mais si l’on englobe d’autres dispositifs de formation, comme les premiers secours en santé mentale, nous comptons plus de 10 000 acteurs de la détection du mal-être. 

Comment sont formées ces sentinelles ? 

Emilie Diop Perrot : La formation dure une journée et est dispensée par un binôme composé d’un psychologue clinicien, formé par le GEPS (Groupement d’Etudes  et de prévention du suicide), et d’un facilitateur agricole. La matinée est consacrée à la compréhension du processus de crise suicidaire et à la déconstruction des préjugés. C’est l’occasion de rappeler que les personnes qui pensent au suicide ne le font pas parce qu’elles veulent arrêter de vivre mais parce que c’est le seul moyen d’arrêter de souffrir. Le suicide n’est jamais un choix. C’est l’ultime option quand on n’en voit pas d’autres pour s’en sortir. 

L’après-midi permet d’acquérir des techniques d’entretien et d’accompagnement : poser les bonnes questions, exprimer son inquiétude, favoriser l’ouverture de la parole et connaître les ressources du territoire. Nous insistons sur un point essentiel : une sentinelle n’a pas pour mission de résoudre les problèmes, mais d’orienter vers les ressources appropriées, par exemple Agri’écoute. 

Les sentinelles sont-elles suivies une fois formées ? 

Emilie Diop Perrot : L’animation du réseau est essentielle. Chaque sentinelle peut contacter Agri’écoute pour débriefer, car certains échanges avec des personnes en situation de mal-être peuvent être émotionnellement lourds. Une à deux fois par an, les MSA organisent des rencontres entre sentinelles pour partager leurs expériences, accompagnées par des psychologues, et approfondir leurs connaissances des ressources locales en prévention du suicide. Des professionnels, comme les acteurs du 3114 (numéro national de prévention du suicide) ou des médecins spécialisés en psychiatrie, peuvent par exemple y intervenir pour présenter leurs dispositifs. 

Nous avons également mis en place une newsletter personnalisée par chaque MSA, qui informe les sentinelles des actualités et des temps d’échanges disponibles. 

Vous intervenez également en entreprise et dans les centres de formation. Pouvez-vous nous en parler ? 

Emilie Diop Perrot : La formation sentinelle repose sur le volontariat, il serait inapproprié d’imposer une formation sur la crise suicidaire à quelqu’un qui pourrait y être personnellement sensible. En revanche, nous déployons des actions de sensibilisation en entreprise et auprès de certains corps de métiers, comme les vétérinaires, les banques et assureurs ou des contrôleurs de l’Etat. L’objectif est de les aider à identifier les signes du mal-être chez les agriculteurs notamment. Car ce n’est pas forcément évident. 

Nous intervenons aussi dans les lycées agricoles et les maisons familiales rurales, car il est crucial que la jeune génération adopte les bons réflexes dès le début de leur carrière. L’agriculture est un métier-passion, mais il peut amener à l’isolement et à l’oubli de soi. Nous travaillons donc sur les compétences psychosociales : garder l’estime de soi, savoir demander de l’aide, reconnaître les signaux d’alerte. Tout le monde a besoin d’un soutien, même les plus résilients ! 

A travers toutes ces interventions, nous sensibilisons ces différents publics à mieux appréhender le mal-être chez l’autre, mais c’est aussi un excellent moyen pour qu’ils prennent connaissance des dispositifs existants afin que, s’ils se retrouvent un jour eux-mêmes concernés par cette situation, ils aient le réflexe de demander de l’aide. 

Un dernier mot pour ceux qui souhaiteraient s’engager ? 

Emilie Diop Perrot : Le mal-être dans le milieu agricole est toujours très présent. Notre enjeu est donc d’amplifier notre dynamique de prévention en renforçant nos interventions collectives, mais aussi en poursuivant l’extension du réseau des acteurs de la détection. Si vous vous sentez concernés par ces enjeux, renseignez-vous auprès de votre MSA locale. Vous pouvez faire une différence, simplement en étant à l’écoute. 

Crédit : MSA 

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