Professionnels : clés des sols, clés des champs
Sur le terrain ou en laboratoire, ces professionnels prennent chaque jour le pouls de la terre. Maillon de ce savoir approfondi des sols, ils alimentent les outils d’aide à la décision. Point commun de leur profession : tous avouent exercer un métier qui a du sens. Entretiens avec trois professionnels des sols pour comprendre leur quotidien et pourquoi ils se lèvent le matin.
Célya Azaïs, technicienne de laboratoire chez Celesta-lab « Je suis au chevet de la terre pour en mesurer la vie »
Quelles études avez-vous suivies ?
Célya Azaïs : Après un BTS « métiers de la chimie » au lycée Jean Perrin de Marseille, j’ai opté pour une dernière année professionnalisante orientée vers l’environnement. J’ai donc intégré une licence professionnelle ACAE (analyse chimique appliquée en environnement) à l’IUT de Sète. J’ai ensuite effectué mon stage de fin d’étude au sein de Celesta-lab, laboratoire d’analyse, d’étude et de conseil en biologie des sols et valorisation des produits organiques. Une fois mon diplôme en poche, j’ai postulé sur le site de l’agglomération de Sète, mais sans succès. En décembre 2020, Celesta-lab me rappelait pour me proposer un CDI.
Quelles sont vos missions au sein de ce laboratoire d’analyse ?
C. A. : Au laboratoire, nous sommes neuf salariés dont quatre techniciens. Si chacun a ses spécificités dans ses missions d’analyse, tous ont été formés aux différentes manipulations proposées par le laboratoire. En cas d’absence d’un de nos collègues, nous sommes tous en mesure de le remplacer. Ma partie, c’est la minéralisation du carbone et de l’azote. Il s’agit d’évaluer l’activité microbiologique de la terre, la vie qu’elle porte et donc une part de sa fertilité. Pour simplifier, plus il y a de CO2 et d’azote dans l’échantillon de terre, plus l’activité biologique est élevée. Mon travail consiste donc à prélever des échantillons, les peser et les placer dans des récipients dédiés dans des conditions optimales pour l’activité biologique. La comparaison et la mesure des échantillons à T0 et T +28 permet d’établir la réserve énergétique du sol. Je transmets ensuite les résultats aux ingénieurs agro qui se chargent de l’interprétation et du conseil aux agriculteurs.
Qu’est ce qui vous plaît dans votre métier de technicienne de laboratoire ?
C. A. : Mon métier a du sens et rejoint mes préoccupations personnelles. Chaque jour, je veille à mon impact environnemental : je trie mes déchets, je pratique le covoiturage pour aller travailler… Mes études ont conforté cette « fibre verte » que j’ai depuis la plus tendre enfance. Aujourd’hui, chez Celesta-lab, je suis au chevet de la terre pour en mesurer la vie. Au-delà, je suis libre d’organiser mon travail en autonomie et ma hiérarchie me fait confiance pour cela. C’est très gratifiant.
Thierry Ferrand, pédologue à la chambre d’agriculture de la Nièvre « J’ai la chance d’exercer un métier passion »
Quel est votre parcours de formation ?
Thierry Ferrand : Après un Bac scientifique orienté « Science de la vie et de la terre », j’ai obtenu une licence générale en biologie et sciences de l’environnement à la faculté des sciences et technologies de Nancy. Pour gagner cette compétence en agropédologie, je me suis spécialisé avec un master environnemental. Deux stages sont venus compléter mon parcours. Le premier auprès de l’Inrae de Champenoux en Meurthe-et-Moselle. J’y ai effectué le suivi de l’élongation racinaire d’une hêtraie. Le second stage s’est déroulé au sein de l’École nationale supérieure en agronomie et industries alimentaires (Ensaia) de Nancy. En charge de l’analyse d’un étang de barrage, j’ai évalué la teneur et le nombre de pesticides de l’étang en comparaison des cours d’eau amont et des cours d’eau aval.
Quelles sont vos missions au sein de la chambre d’agriculture de la Nièvre ?
T. F. : Depuis juin 2021, au sein de la chambre, j’ai deux casquettes. La première, en qualité de conseiller technique pédologue. J’anime différents groupes d’agriculteurs. Parmi ceux-ci, un groupement d’une dizaine d’éleveurs. Leur objectif : améliorer les performances des parcelles fourragères. Pour y parvenir, je procède à une analyse physique et chimique pour identifier les carences et les axes d’amélioration du sol de la parcelle. Ma deuxième compétence, comme conseiller irrigation, s’exerce au service des agriculteurs et des bureaux d’études. J’interviens pour les diagnostics de zones humides dans le cadre de projets hydrauliques : forage, drainage, retenue d’eau ou encore photovoltaïque. J’alimente aussi les OAD (outil d’aide à la décision), ces logiciels qui visent une utilisation raisonnée de l’eau pour l’irrigation.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
T. F. : Je pratique la minéralogie avec mon père depuis mon plus jeune âge. En devenant pédologue, je travaille en exerçant ma passion. Je participe à une meilleure connaissance d’un patrimoine commun, les sols. Mon métier a du sens : aider les agriculteurs dans la compréhension de leurs sols, c’est valorisant.
Yannis Pittatore, chargé d’études chez Valorhiz : « Exercer un travail en phase avec mes valeurs »
Quelles études faut-il poursuivre pour devenir chargé d’études dans une entreprise comme Valorhiz ?
Yannis Pittatore : Après un Bac S option SVT, j’ai intégré une prépa BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) pour tenter le concours d’entrée à l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse. Cette école me tentait car la spécialisation environnement y est plutôt complète et rejoint mes priorités : la qualité de l’environnement et la gestion des ressources. Durant mes études, je me suis intéressé à la science des sols et aux services écosystémiques qu’ils rendent. J’ai alors eu l’occasion d’effectuer un stage de fin d’études de six mois au sein du projet ArtiSols, un outil d’évaluation et de qualification des sols, à destination des aménageurs en région Occitanie.
Quelles sont vos missions au sein de cette entreprise, spécialisée en végétalisation des sols ?
Y. P. : J’ai deux types de missions : la première touche à la requalification des sols urbains. Dans les faits, le projet d’un aménageur va affecter le sol. Je dois réaliser en préambule un diagnostic agro-pédologique pour répondre à une question simple : le sol correspond-il à l’usage auquel on le destine ? Sur le terrain, j’effectue un carottage qui va permettre de qualifier toutes les couches, appelées horizons du sol. J’interprète les résultats, complétés par quelques analyses sous-traitées auprès d’un laboratoire, et évalue les enjeux relatifs aux problématiques de ces derniers. Ce sont 80 % de mes missions. La part restante de mon activité est occupée par la R&D. Il s’agit en grande partie de projets expérimentaux sur le long terme pour observer l’évolution des paramètres physico-chimiques du sol en fonction de différents usages.
Qu’est ce qui vous plaît dans votre métier ?
Y. P. : Ce qui me motive, c’est exercer un travail en phase avec mes valeurs. Refonctionnaliser les sols pour que les générations futures aient davantage de biodiversité, qu’elles puissent bénéficier des différents services écosystémiques que rend la nature, et notamment les sols. Par ailleurs, l’effort de pédagogie qu’exigent mes missions est aussi très intéressant. C’est valorisant d’intéresser à ce qu’on fait et de partager ces valeurs autour d’un bien commun.
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