Les cadres ont toujours le vent en poupe

Publié le 13 octobre 2023
Temps de lecture estimé : 7 min

Ils sont de plus en plus recrutés et de mieux en mieux payés. Mais si, en 2022, la part de cadres augmentés a progressé́ – quels que soient leur âge, leur secteur d’activité́, la taille de l’entreprise ou la fonction exercée, cette dynamique touche, encore et toujours, moins les femmes que les hommes… Restent enfin les métiers de cadre dans la transition écologique, qui décollent désormais.

Le statut est toujours enviable. Les cadres, qu’ils soient dans l’industrie, le commerce ou les services, à la direction générale, au marketing ou aux ressources humaines, ont fait l’objet de nombreux recrutements en 2022, selon le baromètre 2023 de l’Apec, qui s’appuie sur une enquête annuelle menée en février 2023 auprès de 13 000 cadres du secteur privé.

Des recrutements records

De fait, les volumes de recrutements ont progressé de 15 % l’an dernier par rapport à l’année précédente. Ils atteignent même un niveau record, dépassant ceux d’avant la pandémie : 308 300 cadres ont ainsi été embauchés en 2022, contre 281 300 en 2019. Mieux encore, les cadres sont chouchoutés, en ce qui concerne, en tout cas, leur rémunération. Après trois années de stagnation en raison de la crise de la Covid-19, l’augmentation des salaires déjà observée en 2021 s’est poursuivie en 2022, sur fond de dynamisme du marché de l’emploi cadre, conjugué à une forte inflation. La rémunération annuelle brute médiane (fixe + variable) des cadres a ainsi progressé en 2022 de 2 % pour s’établir, au 31 décembre, à 52 000 euros. Augmentations compensatoires, certes, mais en partie seulement, puisque le taux d’inflation s’est établi à 5,2 % en 2022…

Il n’en reste pas moins que les cadres ont été plus augmentés, en proportion, que les non-cadres. Ainsi, la part de cadres ayant bénéficié d’une augmentation en 2022 a atteint un niveau record (avec 57 % d’entre eux, soit 11 points de pourcentage de plus qu’en 2021, et 19 points de plus qu’en 2020). Des proportions qui dépassent largement l’avant crise sanitaire (48 %) ainsi que le record de 2018 (51 %).

« De nombreuses entreprises, confrontées à des difficultés de recrutement toujours plus prégnantes et à une inflation très élevée, ont consenti à des efforts sur le salaire, notamment en renforçant les enveloppes dévolues aux augmentations pour retenir et attirer des cadres », indique le commentaire du baromètre. Il précise également que la part de cadres augmentés progresse quels que soient l’âge, le genre, le secteur d’activité, la taille d’entreprise ou la fonction exercée. Cela dit, la meilleure façon d’obtenir une augmentation de salaire est encore de changer d’employeur ou, à défaut, d’évoluer au sein de l’entreprise. Ainsi, en 2022, 74 % des cadres ayant changé d’entreprise (sans passer par le chômage) et 72 % des cadres ayant changé de poste au sein de leur entreprise ont été augmentés, contre seulement 55 % des cadres n’ayant pas évolué en interne.

Inégalités femmes/hommes

Mais ce tableau idyllique cache toutefois quelques imperfections, notamment en ce qui concerne l’égalité professionnelle femmes/hommes. En effet, non seulement les hommes, comme c’est, hélas, traditionnellement le cas, sont plus nombreux à avoir été augmentés (59 % contre 54 %) en 2022, un homme cadre continuant ainsi à gagner 15 % de plus qu’une femme cadre, un écart stable depuis dix ans, précise l’Apec, mais en plus, à « profil et poste équivalents », un écart salarial de 7 % demeure entre les hommes et les femmes cadres. « Cet écart de rémunération, “toutes choses égales par ailleurs”, qui peut pour partie résulter de comportements discriminatoires de la part des employeurs, est aussi relativement stable. Il oscille entre 7 % et 8 % depuis qu’il est mesuré par l’Apec (2014) », ajoute le commentaire.

— Lys ZOHIN (Tribune Verte 3026)

La tendance est au « verdissement »

Responsable économie circulaire, juriste RSE, responsable mesure d’impact et data ESG, manager  adaptation au changement climatique, Chief Value Officer… Autant de nouveaux métiers qui, selon une étude de Birdeo, émergent dans les intentions d’embauche cette année. Ce cabinet de recrutement spécialisé dans le développement durable estime que le nombre d’offres d’emploi disponibles sur ce marché a bondi de 25 % en 2022. Une tendance confirmée par l’Apec. Si, pour l’heure, cette population de cadres « verts » ne représente que moins de 1 % de l’emploi cadre en général, les offres de postes pour ces profils s’envolent, indique l’Apec : + 48 % entre 2019 et 2022 (contre + 19 % pour l’ensemble des offres). « La prise de conscience des enjeux environnementaux est là. Le passage à l’acte aussi. Mais face à l’urgence climatique, les entreprises doivent encore aller plus vite et plus loin. De ce point de vue, les fortes attentes des candidats et la pression qu’ils peuvent exercer pour que les organisations aient des comportements plus écoresponsables pourraient faire bouger les lignes », déclare Gilles Gateau, directeur général de l’Apec. Et bien sûr, la tendance touche aussi le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. « Les métiers de cadre peuvent être quelque peu différents en fonction de la taille de l’entreprise et de son niveau de maturité environnementale, mais ils portent tous la même empreinte, celle de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise », relève Catherine Brennan, directrice des opérations de Birdeo. Et si certains sont encore peu représentés dans les offres d’emploi, comme ceux qui concernent l’agriculture régénérative ou l’agroforesterie, « ils arrivent », poursuit-elle.

Ces postes sont parfois très techniques, requièrent une solide formation supérieure et sont souvent transverses, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre l’entreprise sur une trajectoire de décarbonation. Le tout avec deux conséquences : d’une part, une pénurie de talents – les entreprises cherchant surtout des profils expérimentés qui sont, par définition, peu nombreux, tandis que les établissements d’enseignement supérieur ne « produisent » pas assez vite de spécialistes, pas plus que les formations en interne. Et de l’autre, une valorisation grandissante de ces postes. « Les entreprises ont de plus en plus conscience des contraintes réglementaires à venir, comme le CSRD (la directive européenne sur le reporting, entrant en vigueur en 2024 pour certaines entreprises), et du risque, notamment en ce qui concerne la marque employeur, à ne pas agir, explique Catherine Brennan. Sur trois ans, les salaires, pour ces postes, ont augmenté de 10 % par an et se situent au-dessus de la moyenne des salaires des cadres en général. »

DES DIPLÔMÉS AGRO TRÈS CONVOITÉS

Si certains jeunes diplômés ont du mal, faute d’expérience, à s’insérer sur le marché du travail, ce n’est pas le cas des ingénieurs et autres spécialistes qui sortent de l’Institut Agro Rennes-Angers. Selon sa dernière étude de mai 2023, 86 % d’entre eux sont en poste en moins de six mois après l’obtention de leurs diplômes. « Pour 60 % de nos jeunes diplômés, l’embauche a eu lieu avant même leur sortie de l’école, précise l’institut. Ce taux de recrutement est en progression significative pour l’ensemble des cursus sur les deux dernières années (+ 11 points sur la dernière année) et particulièrement en hausse (+ 8 points) pour les diplômés en paysage. » Les salaires médians à la sortie de l’école évoluent peu : 28 à 29 K€ pour les filières de l’agronomie, de l’horticulture et du paysage, et 34 K€ pour la filière agroalimentaire, avec un différentiel général de + 9 % à + 19 % en faveur des hommes, sauf en horticulture (- 9 %).

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