Pourquoi devenir Manager ne fait-il plus rêver ?
Jugée difficile, stressante et peu épanouissante, la fonction de manager ne suscite plus les vocations, en particulier chez les jeunes de la génération Z. Comment donner envie à nouveau de l’incarner ? Quelques éléments de réponse.
Quand je serai plus grand, je ne serai pas chef. Depuis quelques années, les études, qu’elles émanent des cabinets Cegos ou BCG, le montrent : le statut de manager ne fait plus rêver. Alors que dans un passé récent, devenir « chef » était la consécration d’un parcours professionnel réussi, de nombreux cadres se détournent de la gestion d’équipe. Les jeunes actifs de la génération Z ne souhaitent même pas s’y essayer.
Jugée difficile, stressante, source d’ennuis et guère épanouissante, la fonction de manager fait même figure de repoussoir. Si cette crise de vocation pour le management ne date pas d’hier, elle s’est accentuée avec la crise sanitaire. La généralisation du travail en mode hybride a rendu encore plus complexe le quotidien du manager de proximité qui n’a plus de proximité que le nom. Il doit de plus en plus passer par des outils numériques pour gérer des équipes disséminées tantôt sur site, tantôt en télétravail. Difficile dans ces conditions de maintenir la cohésion d’équipe.
Comment dès lors donner envie à nouveau d’incarner ce rôle de manager ? La question est d’autant plus sensible que le manager est plus que jamais un rouage clé pour décliner la stratégie de l’entreprise sur le terrain à l’heure des grandes mutations, entre la transformation numérique et la transition écologique. Pour Didier Pitelet, président fondateur d’Henoch Consulting, l’arrivée sur le marché du travail des jeunes de la génération Z, porteurs de nouvelles attentes, oblige les employeurs à revoir leur logiciel (lire encadré) ÷ « Ils ne se reconnaissent pas dans les entreprises qui n’ont qu’une vision de court terme pour satisfaire le marché et leurs actionnaires. » Les entreprises doivent non seulement revoir leur raison d’être, mais aussi proposer un style de management « à plat » et répondre à la quête de sens de leurs jeunes collaborateurs.
Attention à l’effet miroir !
Pour donner envie de lui ressembler, leur propre manager doit être exemplaire. Empathique et bienveillant, il joue le rôle de coach au service du collectif et offre un cadre favorable à l’épanouissement de tous les membres de son équipe.
L’organisation doit, pour cela, poser des garde-fous, pour que le manager dispose du temps nécessaire pour manager en toute sérénité. La plupart des cadres étant soumis au forfait jour, sans réels horaires fixes, ils se voient souvent en surcharge de travail, enchaînant les réunions et les reportings. La tête dans le guidon, ils n’ont guère de temps à consacrer à leurs collaborateurs. L’effet miroir est désastreux.
L’entreprise doit aussi sortir du cadre rigide des parcours de carrière tracés d’avance qui veut qu’un bon technicien devienne naturellement manager, sans que l’on se soucie vraiment de savoir s’il a les capacités pour remplir ce rôle, ou même l’envie. Dans une organisation du travail flexible, un expert peut occuper le poste de chef de projet le temps dudit projet puis revenir à son domaine d’expertise.
Il convient, par ailleurs, de valoriser la fonction de manager et pas seulement en bas du bulletin de paie. Cela passe, bien sûr, par des formations au management ou par l’échange d’expériences entre pairs à travers des communautés de managers. Enfin, les managers intermédiaires doivent être régulièrement associés aux réflexions stratégiques de la direction générale pour ne pas être cantonnés au rôle de passe-plat.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3031)
Étude : Un cadre sur cinq ne souhaite pas géréer d’équipe
Ils sont cadres mais ne veulent pas manager. C’est tout le paradoxe mis en avant par une étude d’OpinionWay pour Indeed datant de septembre 2021. On apprend que 20 % des hommes et 25 % des femmes qui ont le statut cadre ne veulent pas gérer d’équipe. Parmi les répondants actuellement managers, 66 % trouvent cette fonction stressante et 43 % considèrent qu’elle exige trop de responsabilités. En bouleversant les codes du management, la crise sanitaire a accéléré le mal-être. Un manager sur deux trouve que la fonction est devenue trop difficile. 19 % affirment même qu’un métier plutôt manuel correspondrait davantage à leur idéal alors qu’ils n’ont, a priori, ni le profil ni le parcours ad hoc. Ce chiffre atteint 23 % chez les 18-34 ans alors que l’on aurait pu penser qu’ils n’ont pas encore eu le temps de se lasser des métiers de bureaux.
Avis d’expert : « Le manager de proximité a un devoir d’exemplarité »
Didier Pitelet, président fondateur d’Henoch Consulting.
Comment expliquer cette crise de vocation pour le management ?
Didier Pitelet : C’est un mouvement de fond qui remonte à une dizaine d’années et qui s’est accéléré avec la Covid-19. Il y a quelque temps, devenir manager était l’objectif de beaucoup de salariés. Gravir les échelons faisait figure de symbole de réussite sociale. Mais sous la pression des modèles matriciels et courttermistes anglo-saxons, le rôle du manager a été dénaturé. D’entraîneur, il est devenu un gestionnaire soumis à des injonctions paradoxales. Pris entre le marteau et l’enclume, le manager intermédiaire n’a pas les moyens de remplir sa mission. Quand ils voient les contraintes qui pèsent sur lui, les jeunes de la génération Z n’ont aucune envie d’endosser ce rôle. Ces jeunes actifs portent un regard différent sur le management et plus généralement sur le rapport à l’entreprise. Ils ont repris à leur compte le slogan de mai 1968 « je ne veux pas perdre ma vie à la gagner ». Ils veulent « s’éclater » dans tous les compartiments de leur existence, dans la sphère privée comme professionnelle. Le travail ne représente pas toute leur vie, seulement un élément. L’épanouissement personnel passe avant le salaire ou les responsabilités.
Que peut faire une entreprise pour redresser la barre ?
D. P. : Pour reconquérir ces jeunes, les entreprises doivent développer une vraie culture, au sens tribal du terme. À savoir des employés qui courent sous le même maillot avec les mêmes règles du jeu. Il doit s’agir d’une culture exclusive, empreinte d’empathie et de bienveillance, un mot souvent galvaudé. S’ils se sentent considérés, les jeunes seront prêts à adhérer au projet d’entreprise. Trop d’entreprises se drapent dans les bons sentiments de la QVT et de la RSE alors qu’il n’y a jamais eu autant de mal-être et de burn-out. Les jeunes sont sensibles à ce grand écart entre le déclaratif et la réalité du terrain. Ils ne gobent pas le discours ambiant. Ce n’est pas en pratiquant le « greenwashing » que les entreprises répondront à leur volonté d’être utile à la société. Par ailleurs, l’entreprise doit leur laisser une forte autonomie. Pour ces jeunes, la notion carrière est « has been ». Ils veulent piloter eux-mêmes leur parcours professionnel. À leur employeur de montrer la richesse des possibles et les passerelles existantes entre les métiers. Pour retenir ces jeunes, il faut les embarquer dans un cycle d’évolution professionnel et leur donner les bons stimuli.
Comment redéfinir les modes de management ?
D. P. : Le management doit être fluide, horizontal et collaboratif, pour donner envie aux jeunes de s’investir dans des responsabilités managériales. Ils sont davantage dans le partage que dans la recherche du pouvoir ou d’une position statutaire. Symbolisé par une pyramide, le management traditionnel ne leur parle pas. Leur approche est celle d’une pyramide inversée où le talent est mis au service du collectif. Biberonnés aux réseaux sociaux, ces jeunes aspirent à un style de management qui repose sur l’intelligence collective. Enfin, le manager de proximité doit avoir un devoir d’exemplarité. Si un chef d’équipe crie sur son équipe, mais que la direction générale le garde par ce qu’il « fait son chiffre », celle-ci perd tout crédit aux yeux de ces jeunes de la génération Z.
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