Guayule, la révolution verte : Du caoutchouc en France
Alors que des tensions se font sentir sur le marché de l’hévéa, le guayule, une plante peu exigeante et pérenne, offre une alternative durable et locale à la production de caoutchouc et de latex naturels. En France, l’entreprise GuaTecs s’engage dans la création d’une filière guayule, ouvrant la voie à une production nationale et écologiquement responsable.
Regardez autour de vous : le caoutchouc est partout. S’il y a six chances sur dix pour qu’il soit synthétique, il reste en grande partie d’origine naturelle. C’est d’ailleurs l’un des premiers matériaux biosourcés avec 14 millions de tonnes produites chaque année, essentiellement à partir de l’hévéa cultivé majoritairement dans les zones tropicales asiatiques. Dans un contexte de tension sur ce marché très spécifique, les industriels cherchent aujourd’hui à déployer des alternatives plus durables pour la production de caoutchouc naturel. Parmi les plantes prometteuses, le guayule semble tirer son épingle du jeu et la France pourrait même avoir une belle carte à jouer, comme l’explique Michel Dorget, président de la société GuaTecs : « L’Europe est aujourd’hui entièrement dépendante des pays tiers pour son approvisionnement en caoutchouc et latex naturels et subit les aléas du marché, le cours du latex d’hévéa pouvant parfois être très volatile. De plus, elle s’inquiète des capacités de production puisqu’on constate que les producteurs asiatiques sont aujourd’hui nombreux à se tourner vers la culture de palmier à huile, plus rémunératrice. Si on ajoute à cela le fait que l’Europe a adopté, en septembre dernier, un règlement visant à mieux contrôler la mise sur le marché européen des produits pouvant contribuer à la déforestation, dont l’hévéa, la recherche d’alternatives devient de plus en plus urgente. » Car l’hévéa est loin d’être la seule plante dite « à caoutchouc ». Deux autres étudiées de près ont montré leur intérêt : le pissenlit russe du Kazakhstan et le guayule. Cette dernière, originaire du nord du Mexique et du sud de l’Arizona, présente l’avantage d’être très peu exigeante en eau et de pouvoir résister à un été extrêmement sec sans dépérir. Elle a également un cycle plus rapide que l’hévéa puisque la première récolte se fait deux ans après la plantation. Comme c’est une plante pérenne, elle peut ensuite être récoltée les années suivantes.
L’industrie du pneu a bien saisi tout l’intérêt de cette plante. Ainsi, l’industriel Bridgestone teste la production sur une centaine d’hectares aux États-Unis et vise les 10 000 ha à l’horizon 2026. Objectif : assurer sa souveraineté industrielle alors que la Chine et la Russie investissent massivement dans les plantations d’hévéa asiatiques et africaines.
Créer une filière guayule dans le sud de la France
Si le géant du pneu reste aujourd’hui le premier acteur mondial du guayule, on retrouve, sur la seconde place du podium, la start-up française GuaTecs. Créée en 2019, elle ambitionne de créer une filière guayule pour la production de latex destiné à la fabrication de gants médicaux à usage unique. « Ce latex biosourcé, localement produit, ne présente que des avantages pour cette application, détaille Michel Dorget, l’un des cinq associés de l’entreprise. Il ne contient pas de protéines allergisantes contrairement au latex d’hévéa et permet de fabriquer des gants plus solides et plus souples, offrant ainsi un sensoriel tactile nettement supérieur. »
GuaTecs a déjà mis au point un procédé à l’échelle pilote, capable de produire un litre de latex de guayule par heure et de fournir ainsi un maximum d’industriels en échantillons afin de valider la qualité du produit fini. Elle travaille actuellement sur une levée de fonds pour construire un démonstrateur qui pourra produire 50 à 100 kg de latex par heure. « L’usine finale sera dix fois plus grande et il faudra entre 5 000 et 10 000 ha de guayule pour l’alimenter, précise Michel Dorget. Notre principal objectif est donc de construire l’ensemble de la filière, de la plantation jusqu’à la valorisation des coproduits de fabrication, dans un objectif de durabilité. Actuellement, nous testons la culture sur 6 ha, mais des coopératives nous ont déjà fait part de leur intérêt pour cette filière qui permettrait à leurs adhérents de valoriser des terres peu fertiles. À partir du moment où le sol est drainant et situé en zone peu touchée par le gel, le guayule peut trouver sa place. C’est pourquoi nous nous sommes installés près de Montpellier, la région Occitanie nous semblant la plus adaptée à cette nouvelle filière. »
— Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 3040)
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