Faire de l’entretien annuel un rendez-vous productif
Souvent qualifié de stressant et d’improductif, l’entretien annuel d’évaluation ne fait pas l’unanimité. Bien préparé, il peut pourtant constituer un moment d’échange privilégié, alors que le désengagement des collaborateurs fait actuellement des ravages.
À chaque fin d’année, le rituel fait grincer des dents. L’entretien annuel d’évaluation est rarement bien accueilli. Les manageurs y voient une corvée administrative de plus dans une période déjà particulièrement chargée. Les collaborateurs l’envisagent, pour leur part, comme un moment de stress intense, jugeant l’exercice partial et rarement suivi d’actions. Contrairement à une idée répandue, cet entretien individuel annuel n’est pas obligatoire, sauf lorsque la convention collective de l’entreprise l’impose. Alors pourquoi le conserver ? Bien préparé, il peut constituer un moment privilégié pour échanger librement, crever l’abcès s’il le faut et repartir sur des bases saines. Bâclé, l’exercice peut, à l’inverse, s’avérer contre-productif en accentuant le désengagement de la personne évaluée. Dans le contexte actuel de « grande démission » et de montée en puissance des démissions dites « silencieuses » (« quiet quitting »), les entreprises devraient accorder d’autant plus d’importance à la manière dont elles évaluent leurs collaborateurs. Selon une étude de l’institut Gallup datant de 2021, seuls 7 % des Français se disent engagés au travail. La France se situe à l’avant-dernière place du classement européen, devant l’Italie. À titre de comparaison, l’Islande affiche un taux de 22 %.
Face cette baisse généralisée de la motivation, l’entretien annuel peut servir de baromètre en mesurant le moral des troupes. Au-delà du découpage traditionnel en trois parties – bilan de l’année écoulée, revue des objectifs et projection sur l’année à venir –, il doit s’ouvrir sur les questions de bien-être et d’épanouissement au travail ou d’équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Réussi, l’exercice permet d’améliorer la communication entre manageurs et collaborateurs et la compréhension de leurs contraintes respectives. L’employé doit en sortir avec les idées plus claires sur sa place dans l’entreprise et sur ce que l’on attend de lui. Il repart avec une feuille de route en main en matière de formation ou d’évolution de carrière.
Multiplier les points de rencontre
Pour désacraliser l’entretien et ne pas lui faire porter trop d’enjeux, les experts RH conseillent de multiplier les points de rencontre entre le manageur et les membres de son équipe, entre deux rendez-vous annuels. Autant d’occasions pour évoquer les sujets sensibles et les points de crispation avant que la situation ne dégénère en crise. Autre outil privilégié, l’évaluation à 360° permet d’objectiver le jugement du manageur en demandant l’avis des pairs et des subordonnés de la personne évaluée.
Enfin, la question de la rémunération risque d’être potentiellement explosive cette année, compte tenu du niveau actuel du taux d’inflation. Là encore, un consensus se dessine entre spécialistes pour séparer ces deux enjeux et évoquer le sujet de la revalorisation salariale ou des souhaits de promotion lors d’un autre rendez-vous afin de ne pas « polluer » ce temps d’échange privilégié qu’est l’entretien annuel. Enfin, l’entretien ne doit pas être une réunion « pour rien ». Il doit déboucher sur un plan d’actions concrètes, comme le déclenchement d’une formation, qui sera suivi dans la durée pour en mesurer les effets bénéfiques.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3002)
Étude : L’ENTRETIEN, UN MOMENT DE STRESS INTENSE
Quelle est la perception des évalués sur l’entretien annuel ? Pour le savoir, un sondage mené par OpinionWay et l’éditeur de logiciels Javelo a recueilli le ressenti de plus de mille salariés. Près de la moitié (48 %) considère que l’entretien annuel représente un pic de stress dans l’année. Il s’agirait d’un moment où se jouent des enjeux majeurs pour leur vie professionnelle (évolution, salaire, environnement de travail), mais durant lequel, paradoxalement, ils peuvent être jugés de manière partiale par leur employeur et sans avoir de réelle prise sur l’exercice. 41 % estiment que les rapports de force avec l’employeur y sont inégalitaires et 29 % se sentent mal préparés à cet « examen de passage ». Par ailleurs, 54 % des sondés pensent que l’entretien d’évaluation n’est pas suffisamment suivi d’actions concrètes, comme un ajustement de la charge de travail ou un accès à des formations ou à des outils pour aider à la gestion du stress. Parmi les pistes d’amélioration avancées, 40 % des salariés souhaiteraient aborder la question du bien-être au travail. Un enjeu d’importance pour l’employeur, puisque 79 % des sondés estiment qu’un entretien annuel d’évaluation « amélioré » peut contribuer à la fidélisation et à la motivation des salariés dans l’entreprise.
Avis d’expert : « L’ENTRETIEN CRISTALLISE BEAUCOUP D’ATTENTES POUR LE SALARIÉ »
Paul Baratte, Head of Growth and Operations pour Javelo
Pourquoi l’entretien d’évaluation est-il si décrié ?
Paul Baratte : C’est un exercice souvent vécu dans la défiance. Au lieu d’être envisagé comme un moment d’échange privilégié, l’entretien représente, pour les RH comme pour les manageurs, une tâche de plus, une série de cases à cocher. Le salarié cristallise, lui, beaucoup d’attentes sur cet entretien. C’est un moment clé dans l’année, où il peut jouer une partie de son avenir professionnel. Alors que les enjeux sont si importants, il peut craindre une forme de subjectivité, l’évaluation émanant exclusivement du management.
Quelles bonnes pratiques identifieriez-vous ?
P. B. : La qualité du questionnaire est essentielle. On peut introduire des questions à choix multiples ou à échelle linéaire. La trame de l’entretien varie en fonction de la population visée. L’évaluation de commerciaux sera focalisée sur des objectifs quantitatifs, celle visant des employés d’un SAV sur la satisfaction client. La préparation de l’entretien est également un élément clé. Les manageurs peuvent, par exemple, être formés à la méthode de feedback Oscar, basée sur l’observation des faits ou sur la communication non violente. Il s’agit, par ailleurs, d’introduire d’autres rendez-vous entre l’employé et son manageur, sans attendre un an. Dans un contexte économique si mouvant, fixer des objectifs annuels n’a guère de sens. Au sein de Javelo, nous menons des revues d’objectifs tous les mois. L’évaluation à 360° permet, quant à elle, de gagner en objectivité en demandant l’avis aux pairs au-delà du management.
Faut-il parler du salaire ?
P. B. : Non. Il convient de décorréler le sujet de l’augmentation salariale de l’entretien annuel. À défaut, il va polluer l’échange et le salarié ne se concentrera que sur ce seul point. Dans le pire des scénarios, il peut attendre des mois cet entretien en espérant une augmentation, qui ne viendra pas, car la situation économique de l’entreprise ne le permet pas. Autant annoncer cette mauvaise nouvelle en amont.
Pourquoi faut-il digitaliser ce processus ?
P. B. : La digitalisation de l’entretien décharge la DRH de toute la partie administrative, de l’envoi des questionnaires à la collecte des données. Elle a ainsi plus de temps pour analyser les résultats et identifier les besoins de formation ou d’évolution de carrière. L’agrégation des données permet, par ailleurs, d’identifier des tendances au sein de certaines populations et de conduire à des actions collectives. Avec les échelles linéaires, il est possible, par exemple, de visualiser le niveau d’engagement ou de motivation d’un groupe donné. La numérisation du processus permet, enfin, de se conformer pleinement au règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) à la différence des entretiens au format papier ou par le biais de fichiers bureautiques (Word, Excel…) qui n’offrent pas toutes les garanties de confidentialité.
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