Aider les aidants
Aménagement du temps de travail, climat bienveillant, soutien financier et psychologique… Un employeur peut accompagner ses salariés venant en aide à un parent dépendant ou à un enfant en situation de handicap.
Le phénomène touche actuellement un Français sur quatre. Avec le vieillissement de la société, la population des aidants des personnes n’a jamais été aussi nombreuse, et pourtant cet enjeu sociétal de premier plan reste largement tabou et invisible. Selon l’Observatoire Cetelem, six Français sur dix indiquent avoir déjà connu un proche en situation de perte d’autonomie, que ce soit à cause de l’âge, d’une maladie ou d’un handicap.
« À tout moment, à la suite d’un accident de la vie, on peut basculer dans ce rôle d’aidant, rappelle Christine Lamidel, fondatrice et directrice générale de Tilia, une start-up dédiée à l’accompagnement des aidants. Si vous n’êtes pas aidant aujourd’hui, vous le serez peut-être demain et même plusieurs fois durant votre vie. »
Concilier rôle d’aidant et activité professionnelle
Les actifs doivent en plus concilier ce rôle d’aidant avec leur activité professionnelle. Pour 77 % des sondés de l’Observatoire Cetelem, il est compliqué de faire accepter son statut d’aidant et d’être efficace au travail. Cet état de fait se double d’une méconnaissance des aides financières ou des dispositifs légaux, comme le congé de proche. Qu’il s’agisse de prévenir l’absentéisme, de fidéliser ses collaborateurs ou de tenir ses engagements RSE, une entreprise a tout intérêt à prendre ce sujet de l’aidance au sérieux et à mettre en place un dispositif d’accompagnement. « La première étape consiste à réaliser un diagnostic, une photographie à un instant donné, pour avoir une meilleure connaissance des situations en garantissant, bien sûr, l’anonymat, avance Christine Lamidel. Nous touchons à la sphère intime. Le salarié craint d’être stigmatisé, de voir son évolution de carrière gelée. Pour libérer la parole, l’employeur dont établir un climat de confiance et de bienveillance. »
Personnaliser les aides en fonction de la situation
Il s’agit ensuite de sensibiliser les managers au sujet et de leur donner les clés de compréhension à travers des conférences ou des ateliers. « Le manager de proximité doit adopter la bonne posture, poursuit-elle. Il doit être dans l’écoute active et l’empathie. Son rôle sera de détecter les signaux d’alerte, puis d’orienter le collaborateur vers les dispositifs existants. »
En ce qui concerne les attentes des aidants eux-mêmes, elles varient fortement en fonction de la situation. Un salarié peut
manquer d’information, de temps ou de soutien financier. Au-delà de l’aménagement des horaires ou de l’allégement de la charge de travail, l’employeur orientera le salarié sur les droits et aides à sa disposition.
Certaines entreprises vont jusqu’à chercher, voire à financer des prestataires pour la livraison de courses, de médicaments, la garde d’enfant, le jardinage, ou des aides à domicile et autres auxiliaires de vie. « Les grands groupes ont été les premiers à mettre en place ce type d’accompagnement, mais depuis cette année, PME et ETI nous contactent, observe Christine Lamidel. Parfois, des choses simples à mettre en oeuvre suffisent. »
Dernier enjeu : la valorisation des compétences acquises par les aidants. À travers cette expérience de vie, un salarié a pu développer des soft skills, comme l’empathie, le sens de l’organisation, la capacité à gérer les crises ou à prioriser les tâches. Le projet de loi « plein emploi », présenté le 7 septembre en conseil des ministres, prévoit de réformer la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans ce sens.
— Xavier BISEUL (Tribune Verte 3000)
Étude : LES ENTREPRISES PEUVENT MIEUX FAIRE
Les résultats d’une récente étude de l’Observatoire Cetelem réalisée avec Tilia sont sans appel. Seuls 23 % des Français jugent que les entreprises accompagnent bien leurs salariés aidants. Les aidants sont 66 % à considérer ne pas être suffisamment aidés par leur employeur. Ils estiment être confrontés à des difficultés importantes dans la sphère professionnelle. 58 % d’entre eux déclarent avoir déjà dû prendre un congé imprévu en raison de leur rôle d’aidant, aménager leurs horaires (49 %) ou poser des arrêts de travail (44 %). En retour, les aidants actifs attendent des horaires plus flexibles (41 %), une diminution de leur temps de travail (37 %) et des jours de congé supplémentaires (35 %). Vient ensuite la possibilité de recevoir des conseils personnalisés par des experts (27 %) ou des informations leur permettant de mieux accomplir leur rôle d’aidant (25 %). Les salariés expriment ainsi des craintes sur la capacité à faire accepter leur statut d’aidant ou un ralentissement de la progression de carrière.
Avis d’expert : « LA CHARGE MENTALE EST LOURDE À PORTER »
Christine Lamidel, fondatrice et directrice générale de Tilia
Quelles difficultés les DRH rencontrent-ils à accompagner les salariés aidants ?
Christine Lamidel : Il y a une méconnaissance du statut d’aidant par les personnes concernées elles-mêmes. Le salarié considère que c’est naturel de s’occuper de ses parents ou de ses enfants. Il y a parfois une forme de déni. C’est le premier écueil auquel est confrontée la DRH. Les aidants ne se manifestent pas à elle et elle a une méconnaissance des situations personnelles. En exposant les situations relevant de la sphère privée, la crise sanitaire a toutefois accéléré la prise de conscience sur le sujet. Assurer la continuité des temps de vie, concilier le rôle d’aidant et son travail s’avère pour autant compliqué. Très vite, le salarié se trouve fragilisé. La charge mentale est lourde à porter. Avec le stress, l’anxiété, la fatigue… sa propre santé, physique comme psychologique, peut être affectée.
Quels sont les moyens à mettre en oeuvre ?
C. L. : La première réponse consiste à aménager le temps de travail, en renforçant le télétravail ou en proposant une plus
grande amplitude horaire. Le salarié commence plus tôt ou plus tard. L’employeur peut abonder le nombre de jours de congé et des collègues faire des dons de RTT. La fiche de poste peut, elle aussi, être aménagée afin d’alléger la charge de travail. Pour répondre à la quête d’informations, la DRH peut éclairer le salarié sur les aides financières, mais aussi favoriser le partage de retours d’expérience à travers une communauté interne d’aidants. Si le salarié ne souhaite pas
se confier en interne, elle peut l’orienter vers des communautés externes ou recommander une plateforme de support psychologique. Un employeur peut aussi prendre en charge la recherche de prestataires à domicile. Prendre rendez-vous avec les agences d’aides à domicile, faire venir un taxi conventionné ou demander un devis pour aménager un intérieur sont les tâches les plus chronophages avec les démarches administratives. Pour faire reconnaître un handicap ou une perte d’autonomie, il faut remplir des dossiers de plusieurs dizaines de pages.
Quel est le point le plus important d’un accompagnement ?
C. L. : La personnalisation. Il y a autant de situations personnelles que d’aidants. Ces situations évoluent, par ailleurs, au fil du temps. L’aidant peut avoir besoin, au début, de temps, puis d’un soutien financier si le proche est placé dans un établissement spécialisé. La DRH doit coconstruire avec le salarié la meilleure réponse, qui ne soit ni préjudiciable pour l’employé ni pour l’entreprise, puis convenir de points réguliers pour faire évoluer le dispositif.
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